Le gouvernement fédéral a entre ses mains le rapport de l’homme d’affaires Yvon Charest sur le pont de Québec depuis le mois de juin. Alors que certains éléments du document ont été publiés dans les médias vendredi, des élus de la région de Québec exigent qu’Ottawa dévoile toutes les recommandations qu’il contient.

D’entrée de jeu, le député conservateur Pierre Paul-Hus souligne que la restauration de l’infrastructure centenaire était une promesse des libéraux en 2015.

Ils avaient dit que ce serait réglé pour juin 2016. Ensuite, en 2019, ils sont arrivés avec le mandat de M. Charest. Notre parti, on a voulu être bon joueur, on pense que M. Charest peut apporter des pistes intéressantes, alors on a dit oui, explique le député de Charlesbourg-Haute-Saint-Charles.

Là, on apprend que le rapport a été déposé cet été, et que les libéraux le cachent toujours, déplore-t-il. Tout comme les citoyens, il a obtenu des détails sur la teneur de l’analyse de l’ancien PDG de l’Industrielle Alliance dans les médias.

M. Charest a ensuite confirmé à Radio-Canada que sa recommandation principale était le rachat du pont de Québec par Ottawa. Il n’a toutefois pas voulu faire plus de commentaires, indiquant que c’était maintenant au gouvernement de procéder à l’analyse de son travail.

C’est effectivement ce que répond le ministère de l’Infrastructure et des Collectivités, dimanche, par courriel.

Ce dossier est une priorité pour le gouvernement du Canada et nous faisons actuellement l’analyse du rapport. La ministre Catherine McKenna et M. Charest se sont entretenus [au sujet du] dossier et partagent l’objectif de faire en sorte que le pont de Québec réponde aux besoins à long terme de la région, écrit-on.

Vue de haut et rapprochée du pont de Québec

Le pont ferroviaire entre Québec et Lévis répond aux besoins d’environ 30 000 automobilistes par jour, en plus du passage des trains.

Photo : Radio-Canada

La députée du Bloc québécois, Julie Vignola, souhaite elle aussi que le gouvernement change de cap et permette aux gens de Québec d’avoir accès au rapport.

C’est important parce qu’on veut de la transparence. Là, on revient sur une décision. Je ne suis pas en désaccord avec les conclusions du rapport, je veux juste voir le rapport. Les contribuables aussi, affirme-t-elle.

La population a le droit de comprendre, selon elle.

Pour protéger les intérêts économiques du Canada

Dans sa réponse, le ministère de l’Infrastructure précise que le rapport ne sera pas dévoilé au public, car la publication précoce pourrait porter préjudice aux intérêts économiques du Canada.

Le député Pierre Paul-Hus n’est pas d’accord. Moi, ce sont les intérêts économiques, premièrement de la région de Québec qui sont les plus importants. Il fait remarquer que l’avenir du pont de Québec a un rôle central à jouer, notamment si on pense à un autre projet phare pour la ville, selon lui, qui est le port de Québec.

Avec le projet Laurentia et le partenariat avec le CN, si jamais on ne peut plus passer sur le pont, ça créerait préjudice à ce projet. On doit avoir une mise à niveau, pour ne pas le perdre, ajoute-t-il.

La réponse du ministère fédéral fait aussi réagir Mme Vignola. En quoi la transparence dans le dossier du pont pourrait nuire aux intérêts économiques du Canada? Je ne la comprends pas. Je ne suis pas en train de parler d’un entrepôt à hauts enjeux de sécurité nationale, on parle d’une infrastructure ferroviaire, lance-t-elle, un sourire dans la voix.

Deux photos différentes, une à côté de l'autre, de Julie Vignola et Pierre Paul Hus

La députée de Beauport-Limoilou, Julie Vignola, et le député de Charlesbourg-Haut-Saint-Charles, Pierre Paul-Hus

Photo : Radio-Canada

Les deux députés estiment que la question du pont de Québec et les conclusions du rapport pourraient fort possiblement refaire surface à la Chambre des communes si ce n’est pas réglé d’ici la reprise des travaux, le 23 septembre.

225 M$ de plus sur 25 ans

Même si l’augmentation, sur une longue période, n’est pas faramineuse, le rapport de M. Charest indique que l’entretien du pont s’élève à 784 millions de dollars sur 25 ans. En mars 2019, la facture était établie à 559 millions de dollars.

Dimanche, le ministère de l’Infrastructure n’a pas répondu clairement à nos questions concernant cette hausse prévue dans les conclusions du mandataire spécial, M. Charest, qu’Ottawa a nommé l’an dernier pour effectuer l’analyse.

C’est donc devant cette absence de précision, alors que des parties du rapport ont coulé dans les médias, que des conseillers municipaux réagissent, eux aussi.

J’ai hâte qu’on le rende public ce rapport, pour que les citoyens puissent aussi le consulter, c’est une infrastructure importante. Et puis, le rapport propose un scénario, c’est difficile pour moi de dire si c’est la bonne solution, je n’ai pas vu le rapport, mentionne le conseiller Jean-François Gosselin, chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Québec.

Dès vendredi, le conseiller de Démocratie Québec, Jean Rousseau, exigeait lui aussi que le rapport soit publié. J’insiste pour que les gouvernements du Québec et du fédéral dévoilent sans délai le rapport Charest sur l’avenir du pont de Québec afin que nous ayons un portrait clair sur l’une des deux portes d’entrée de la ville de Québec.

Le maire de Québec a également fait part de sa position vendredi, indiquant que le rachat du pont par Ottawa est la bonne solution. Il n’a pas été possible dimanche de confirmer s’il souhaitait ou non que le rapport de M. Charest soit publié.

Vendredi, le député libéral de Québec et président du Conseil du Trésor a réitéré que le pont de Québec est une priorité pour son gouvernement. L’objectif, c’est de ne pas négocier sur la place publique. Le CN entretient le pont sur une base financière, nous ce sera économique. L’enjeu et est là, mais on va y arriver, a affirmé Jean-Yves Duclos.

Ottawa a cédé le pont de Québec au Canadien National en 1993. Il est alors devenu le principal responsable de l’entretien du pont. Or, l’explosion des coûts au cours des dernières années a mis un frein au projet de restauration.

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