Entre le moment où une personne infectée est dépistée et le moment où elle reçoit son résultat positif, il peut y avoir jusqu’à cinq entrées manuelles de ses informations personnelles.

  • À la clinique de dépistage
  • Au laboratoire d’analyse
  • Parfois dans un laboratoire central
  • À la direction régionale de santé publique (un système pour les enquêtes et un autre pour les données épidémiologiques)

Chacun doit réécrire à la main dans son système à lui, donc, c’est une perte de temps, explique Laure Letarte-Lavoie, vice-présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). Dans un monde idéal, tout serait entré une seule fois.

Alors que le dépistage et la rapidité de transmission des résultats sont le nerf de la guerre pour tracer les contacts d’une personne infectée, des directions régionales de santé publique se plaignent à l’interne des lenteurs de l’informatisation et des coordonnées parfois incomplètes qui arrivent par télécopieur.

Preuve de l’importance des données : cette semaine, un retard de transmission des chiffres a donné l’impression que le nombre de cas au Québec était à la baisse alors qu’il était plutôt stable.

Ce printemps, les télécopieurs ont déjà fait la manchette alors qu’ils avaient causé des retards dans la transmission de données sur les décès. François Legault avait avoué s’être mis en colère en présence du Dr Horacio Arruda. « C’est archaïque », avait pesté le premier ministre, promettant une informatisation rapide.

Des agentes administratives racontent qu’elles télécopient parfois des résultats de tests par ordinateur à la santé publique, mais qu’elles ne reçoivent pas toujours de confirmation de réception. Il arrive que ce soit lors du passage du service de soutien informatique qu’on constate que des envois n’ont pas fonctionné.

Des milliers de télécopies par semaine

En plus de la COVID-19, les directions de santé publique reçoivent les informations de toutes les autres maladies infectieuses à déclaration obligatoire par ces mêmes télécopieurs. Alors, il faut faire le tri, ce qui prend du temps, compte tenu de la grande quantité d’informations reçues.

Le gouvernement hausse le nombre de dépistages, mais il y a une pénurie de techniciens et pas assez de machines dans les laboratoires, donc il y a un premier goulot d’étranglement, explique Laure Letarte-Lavoie, de l’APTS.

Les laboratoires doivent aussi gérer tous les retards accumulés ce printemps avec le délestage des opérations.

En ce moment, dans les laboratoires, ça va très mal. Le personnel est sous haute pression.

Et après, quand on transmet les résultats d’analyse à la santé publique, il n’y a pas assez de monde pour faire tous les appels, ajoute Laure Letarte-Lavoie.

Des systèmes informatiques incompatibles

Si le télécopieur continue d’être aussi présent dans le réseau de la santé, c’est, entre autres, parce que les systèmes informatiques ne se « parlent » pas toujours entre laboratoires et entre hôpitaux.

Sur les 12 regroupements de laboratoires du Québec, appelés « grappes », sept ont des systèmes incompatibles.

En Montérégie, les CISSS de l’Est et de l’Ouest ont un système semblable, mais pas le même que le CISSS de la Montérégie-Centre.

Or, avec la réforme Optilab, les laboratoires associés d’une région doivent transmettre leurs résultats au laboratoire central. Conséquence : il faut envoyer les résultats par télécopieur, avec les délais inhérents.

Les systèmes ne sont pas communs, ne se parlent pas, ne sont pas homogènes entre le centre serveur et le centre associé, explique Doris Levasseur-Bourbeau, présidente de l’Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec. Si les systèmes informatiques se parlaient, le résultat serait immédiat.

À la défense du télécopieur

Il y a des directions de santé publique qui n’utilisent pratiquement que ça, explique la Dre Marie-Laure Hemery, présidente de l’Association des spécialistes en médecine préventive du Québec.

Le fax en 2020, ça peut paraître un peu archaïque, mais c’est un système qui reste quand même sécuritaire [pour les données médicales personnelles].

Depuis le début de la pandémie, des efforts d’informatisation ont été faits, mais c’est encore lent à se mettre en place sur le terrain, selon les témoignages que nous avons recueillis.

Disparités entre les régions

Au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, le personnel des laboratoires réalise deux à trois fois par jour une extraction informatique de la liste de tous les résultats afin de permettre une double vérification des données transmises par télécopieur.

Bien que les fax pourraient être remplacés par des courriels, cette façon de faire est tout à fait fonctionnelle.

Au CIUSSS de la Capitale-Nationale, le laboratoire du CHU de Québec est en mesure d’informer directement ses équipes de première ligne et même la santé publique par informatique dès qu’un résultat de test est connu. Mais les télécopieurs n’ont pas encore complètement disparu de la circulation.

Certaines directions de santé publique fonctionnent avec des centrales d’appels sous-traitantes pour joindre les personnes testées, d’autres font appeler directement les laboratoires.

Du renfort autour du Dr Arruda pour accélérer les opérations sur le terrain

Un nouveau sous-ministre adjoint entrera en poste le 19 octobre pour épauler le directeur national de santé publique, Horacio Arruda. Venu du ministère de la Sécurité publique, Jérôme Gagnon aura notamment pour mission de rendre plus efficaces les activités de dépistage et de traçage.

Selon nos informations, le gouvernement jugeait l’équipe du Dr Arruda moins à l’aise pour coordonner les opérations sur le terrain.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé a expliqué jeudi que le directeur national de la santé publique pourra ainsi se concentrer sur les recommandations.

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