Le cabinet du premier ministre Justin Trudeau n’a jamais effectué de vérifications auprès des anciens employeurs de Julie Payette, au Centre des sciences de Montréal et au Comité olympique canadien, avant de procéder à sa nomination au poste de gouverneure générale du Canada, selon de nombreuses sources consultées par CBC.

Un tel audit lui aurait pourtant permis d’en apprendre beaucoup sur le comportement de l’ex-astronaute envers ses collègues et ses subordonnés.

En fait, plusieurs sources citées par CBC remettent en question le jugement du premier ministre Trudeau, disant avoir été stupéfaites de le voir choisir Julie Payette comme chef d’État en 2017.

Un certain nombre d’entre nous ont été époustouflés, a déclaré un ancien membre du conseil d’administration de la Société immobilière du Canada (SIC), la société d’État qui possède et exploite le Centre des sciences de Montréal, où Julie Payette a travaillé de 2013 à 2016 comme chef de l’exploitation.

Il s’agit d’une société d’État appartenant au gouvernement, a déclaré l’ancien membre du conseil d’administration. On aurait pensé qu’ils appelleraient pour vérifier ses références, non?

Julie Payette est actuellement au centre d’une enquête indépendante sans précédent lancée par le Bureau du Conseil privé. Cet audit a été demandé en juillet après la diffusion d’un reportage de CBC/Radio-Canada selon lequel la gouverneure générale aurait rabaissé, réprimandé et humilié publiquement le personnel de Rideau Hall.

Deux démissions en deux ans

Selon les sources consultées par CBC, Julie Payette a reçu une indemnité de départ d’environ 200 000 $ lorsqu’elle a démissionné du Centre des sciences de Montréal en 2016 à la suite de plaintes relatives à la façon dont elle traitait ses employés.

Puis, toujours selon les sources du réseau anglais de Radio-Canada, Julie Payette a quitté le Comité olympique canadien (COC) l’année suivante après le déclenchement non pas d’une, mais de deux enquêtes internes concernant son comportement envers les employés et des allégations de harcèlement verbal.

En tout, CBC s’est entretenu avec 15 sources confidentielles qui ont travaillé avec Julie Payette, y compris des employés (actuels et anciens) et des membres du conseil d’administration du COC, du Centre des sciences de Montréal, de la SIC et de l’Agence spatiale canadienne (ASC).

Ces personnes ont accepté de donner leur version des faits à la condition de ne pas être nommées, et ce, pour différentes raisons : elles n’étaient pas autorisées à parler publiquement, elles craignaient de perdre leur emploi, elles souhaitaient pouvoir continuer à travailler dans l’industrie ou, dans certains cas, elles voulaient continuer à interagir avec Rideau Hall.

Une Canadienne exceptionnelle

Joint par CBC, le cabinet du premier ministre n’a pas voulu dire s’il était au courant des plaintes déposées contre Julie Payette au COC et au Centre des sciences de Montréal.

Le gouverneur général est recommandé en fonction d’un large éventail de facteurs et [sa nomination] fait toujours l’objet d’une diligence raisonnable, a fait savoir l’attaché de presse Alex Wellstead dans une déclaration écrite, ajoutant que toutes les questions portant sur ses occupations précédentes devraient être posées aux organisations en question.

Un porte-parole du bureau du gouverneur général a pour sa part qualifié Julie Payette de Canadienne exceptionnelle et de pionnière pour les femmes, rejetant du revers de la main les plus récentes informations obtenues par CBC.

Au cours de sa carrière, aucune plainte officielle n’a jamais été déposée contre elle, et elle n’a jamais démissionné d’un poste de conseil d’administration, y compris au Comité olympique canadien, où elle a terminé son mandat, a fait savoir la secrétaire de presse de Julie Payette, Ashlee Smith, elle aussi par écrit.

En choisissant personnellement Julie Payette comme gouverneure générale plutôt que de se tourner vers le comité consultatif mis sur pied par son prédécesseur Stephen Harper, Justin Trudeau s’est attiré de nombreuses critiques depuis que cette affaire a éclaté.

Professeure d’histoire à l’Université de la Vallée du Fraser et membre de l’Institut d’étude de la Couronne au Canada au Massey College, Barbara Messamore souligne que M. Trudeau n’a pas abandonné une tradition séculaire en ignorant de faire appel au comité consultatif qui, après tout, ne date que de 2014.

Mais elle estime que la controverse entourant le comportement de Julie Payette joue en faveur de son recours à l’avenir. Car le fait que le gouvernement n’a pas demandé de références au Centre des sciences de Montréal et au COC suggère, selon elle, un échec du processus de vérification.

Manifestement, le processus utilisé n’était pas tout à fait adéquat, a commenté la professeure Messamore, car il n’a pas révélé certaines choses qui auraient dû être connues.

deal breaker“,”text”:”S’ils avaient su, je pense bien que cela aurait été un deal breaker”}}” lang=”fr”>S’ils avaient su, je pense bien que cela aurait été un deal breaker, a-t-elle conclu.

D’après un texte de Ashley Burke et Kristen Everson, CBC News

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