Un directeur adjoint d’un établissement du Service correctionnel du Canada (SCC) souhaite que la fonction publique change la façon dont elle traite les revendications d’identité autochtone lors d’embauches et de promotions d’employés.

Peter Lang a déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne du Canada en mars 2019, alléguant que des lacunes des politiques entraînent une discrimination à l’égard des peuples autochtones en ce qui concerne l’embauche et la promotion au Service correctionnel Canada (SCC).

Peter Lang parle dans certains cas de fraudes.

CBC a été mise au courant de cette plainte après avoir rapporté qu’une femme métisse avait allégué qu’une collègue revendiquait à tort une identité autochtone dans le bureau d’une sénatrice pour laquelle elle travaillait.

Peter Lang, un citoyen de la Nation métisse de la Colombie-Britannique (NMCB), dit souhaiter depuis longtemps des changements dans ce domaine. Il affirme aujourd’hui avoir été ignoré pour un poste pour lequel il avait postulé. J’ai été exclu d’un poste que je désirais, mais ça m’a donné l’opportunité de mettre de l’avant [ce problème] pour, espérons-le, changer les choses pour le mieux.

Il espère que sa plainte pourra inciter la fonction publique à apporter des changements dans ses politiques de ressources humaines.

Une gardienne de prison dans une prison fédérale

Un agent de Service correctionnel Canada.

Photo : La Presse canadienne

M. Lang veut que les non-Autochtones cessent de revendiquer frauduleusement une identité autochtone au travail et que ces personnes cessent de bénéficier de politiques et de positions ciblées pour les premiers peuples. Nous devons améliorer les choses parce qu’il y a des gens qui commettent des fraudes, a-t-il déclaré.

Sa plainte a été adressée directement à la Commission de la fonction publique du Canada (CFP), qui établit les politiques pour l’ensemble de la fonction publique fédérale, y compris le SCC.

Il attend toujours de savoir quand la médiation sur sa plainte aura lieu.

De son côté, la Commission des droits de la personne du Canada n’a pas confirmé les détails de la plainte de celle-ci en raison de problèmes de confidentialité.

Un formulaire d’une seule page

La fonction publique fédérale, qui emploie environ 288 000 personnes, a reconnu que les revendications frauduleuses d’identité autochtone dans le secteur public suscitent des inquiétudes.

Des changements de politique ont été mis en place en 2010 en réponse au personnel autochtone alléguant que des personnes non autochtones s’identifiaient à tort [comme issus des premiers peuples] pour accéder à des embauches destinées aux peuples autochtones, selon une déclaration par courriel de la CFP.

Ce processus a mené à la création du Formulaire d’affirmation d’affiliation autochtone (FAAA) – un document d’une page dans lequel une personne affirme être autochtone. Les gens ne sont tenus de signer le formulaire que dans des circonstances d’emploi spécifiques. Par exemple, ils devront le signer si l’emploi pour lequel ils ont postulé cible spécifiquement les candidats autochtones.

Aucune vérification n’est requise au-delà de la signature et de la datation du formulaire, sauf si une plainte est déposée contre l’individu et qu’une enquête est déclenchée.

La CFP affirme que, depuis que la politique est entrée en vigueur, elle a reçu 10 allégations concernant la fourniture de fausses informations trompeuses sur le FAAA.

Une seule de ces allégations a mené à une enquête qui a conclu que le fonctionnaire avait commis une fraude dans le processus de nomination en déclarant sciemment et faussement une association autochtone dans le FAAA afin d’obtenir un poste. La nomination de cette personne avait ensuite été révoquée.

Dans une déclaration envoyée par courriel, le SCC a déclaré que les Autochtones sont encouragés à s’auto-identifier au travail, ajoutant qu’il incombe au demandeur d’être honnête dans sa demande.

Des vérifications nécessaires

Peter Lang affirme ne cibler personne spécifiquement dans sa plainte. Il estime tout de même que le problème des demandes frauduleuses persiste. Il affirme par exemple avoir déjà entendu un collègue dire que si celui-ci réussissait à obtenir un test d’ADN témoignant d’une quelconque ascendance autochtone, il cocherait la case en parlant du FAAA. Tout au long de ma carrière, j’ai remarqué que SCC ne fait pas preuve de diligence raisonnable lorsque des gens se déclarent autochtones.

Il s’agit selon lui d’une situation particulièrement problématique au sein des services correctionnels, où les Autochtones sont surreprésentés dans la population carcérale.

Pénitencier de Donnacona.

La surreprésentation des Autochtones dans la population carcérale au Canada est un enjeu en soi.

Photo : Radio-Canada

Un rapport publié en janvier par le Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC) a révélé que les Autochtones représentent plus de 30 % de la population carcérale fédérale, alors qu’ils comptent pour environ 5 % de la population canadienne.

Le plan ministériel 2019-2020 de SCC stipule que fournir un soutien correctionnel et de réinsertion efficace et culturellement approprié aux délinquants autochtones est une priorité organisationnelle […] depuis plus d’une décennie.Peter Lang avance que si SCC veut obtenir réussir cet objectif, il doit embaucher les bonnes personnes et les aider à proposer un changement culturel significatif.

Vous ne pouvez pas vous contenter de prendre un programme non autochtone […], d’y coller une plume et de dire qu’il s’agit d’un programme autochtone.

Si vous voulez des Autochtones et voulez changer votre façon de faire, si vous voulez vous réconcilier avec les Autochtones, alors embauchez des Autochtones, poursuit-il.

Un déclencheur de conversation

Le sénateur Murray Sinclair, qui était président de la Commission de vérité et réconciliation, admet qu’il y a eu une augmentation marquée du nombre de personnes s’identifiant comme Autochtones ou d’ascendances autochtones ces dernières années. S’il observe que certaines de ces affirmations sont légitimes, il constate tout de même qu’il y a aussi des escrocs dans le lot.

Le sénateur indépendant Murray Sinclair en gros plan.

Le sénateur indépendant Murray Sinclair.

Photo : La Presse canadienne / Fred Chartrand

En ce qui concerne les employeurs et les institutions qui cherchent à embaucher des Autochtones, il dit qu’il faut examiner la façon dont vous embauchez des gens.

« Si nous cherchons à embaucher une personne autochtone, je crois que nous devons nous demander : “qu’est-ce que j’ai besoin de savoir à ce sujet pour prendre une décision?” »

S’exprimant à partir de ses propres expériences d’embauche au Sénat, il affirme que lorsque quelqu’un s’auto-identifie comme Autochtone, la situation devient un point de départ pour lui. Il s’agit d’un facteur d’embauche. « Si quelqu’un dit “J’ai un diplôme en mécanique”, je voudrais alors explorer un peu l’affirmation. Lui demander sur quoi cette personne a travaillé. Quelles sont ses réalisations avec ce diplôme. Je lui demanderais s’il sait comment démonter un moteur. »

Il affirme voir des institutions trébucher tellement qu’elles essaient de ne pas prendre leurs responsabilités . [Ces institutions] permettent aux gens de réclamer quelque chose sans avoir mis en place un mécanisme pour tester [ce qu’ils avancent]. Le sénateur estime que les institutions et les employeurs ne devraient pas accepter l’auto-identification sans un minimum de preuves lorsque l’identité devient un facteur d’embauche.

Même si un endroit veut tout simplement embaucher un Autochtone parce qu’ils aiment avoir des Autochtones, eh bien, qu’ils embauchent des Autochtones qu’ils savent être Autochtones. C’est aussi simple que cela.

Demander un audit

Peter Lang, de Service correctionnel Canada, affirme qu’il aimerait voir la fonction publique créer une sorte de comité d’Autochtones qui pourrait travailler à l’amélioration des politiques d’embauche et de promotion du personnel.

Lorsqu’il se rendra en médiation auprès de la Commission de la fonction publique du Canada, il prévoit également demander un processus de vérification pour tous les employés qui se sont identifiés comme Autochtones dans leur demande d’emploi.

La question 18 du questionnaire de recensement de 2016 porte sur l'identification du répondant en tant qu'Autochtone.

La question 18 du questionnaire de recensement de 2016 porte sur l’identification du répondant en tant qu’Autochtone.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Villeneuve

Selon lui, ce processus serait particulièrement important pour les personnes qui occupent des rôles spécifiquement destinés aux peuples autochtones.

Bien qu’il ne veuille pas voir des Autochtones être harcelés ou contestés en lien avec leur identité, Peter Lang rappelle que de demander des preuves de scolarité ou de maîtrise d’une seconde langue est une pratique d’embauche standard.

Dans l’éventualité où sa demande serait acceptée, il aimerait que tous ceux s’étant frauduleusement auto-identifiés comme Autochtones perdent leur poste dans un délai de six mois. Nous ne pouvons pas attendre une génération complète pour que ces gens prennent leur retraite afin que les choses changent.

Je pense qu’en termes correctionnels, il s’agit d’une peine à perpétuité. C’est ce que c’est. C’est une peine à perpétuité et nous n’en voulons pas. Nous voulons que la situation change maintenant, conclut-il.

D’après un texte de Chantelle Bellrichard, CBC.

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