Blaine Higgs était à la tête d’un gouvernement minoritaire depuis près de deux ans au Nouveau-Brunswick. En déclenchant les élections, il demande aux électeurs de lui donner un gouvernement majoritaire en échange de stabilité, mais il aura de la difficulté à l’obtenir sans les francophones.

La tâche sera ardue pour le premier ministre sortant : c’est que la relation entre Blaine Higgs et les francophones de la province a été difficile dès le départ.

Le chef progressiste-conservateur est unilingue anglophone dans la seule province officiellement bilingue du pays et il s’est associé durant son court mandat de 21 mois avec l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick.

Kris Austin debout près d'un drapeau du Canada.

Kris Austin, chef de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, le 12 août 2020 à Fredericton.

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Hughes

Ce tiers parti est hostile au bilinguisme officiel dans sa forme actuelle, et voulait démanteler le Commissariat aux langues officielles. Pour plusieurs francophones, ce mariage est une insulte.

De plus, Blaine Higgs ne semble pas enclin à faire des concessions pour les francophones. Mercredi, il a déclaré ne pas avoir pris de décision sur une révision des exigences linguistiques dans la fonction publique.

La seule chose qu’on a entendue par rapport aux langues officielles dans les élections jusqu’à maintenant, c’est négatif, et c’est le gouvernement conservateur qui l’a avancée, affirme le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, Alexandre Cédric Doucet.

Le seul francophone

En 2018, les progressistes-conservateurs ont ravi le pouvoir aux libéraux par un seul siège : un francophone nommé Robert Gauvin.

Ce francophone devenu alors vice-premier ministre, démissionne plus tard et déchire sa carte de parti en février dernier à la suite de la réforme avortée du système de santé.

Le premier ministre m’avait promis qu’il allait apprendre le français, promis qu’il ne négligerait pas les régions francophones et m’avait aussi promis qu’on ne toucherait pas aux hôpitaux dans les régions rurales. Je vous laisse juger de sa performance, dit-il.

Robert Gauvin s’est retourné contre sa famille politique et se présente aujourd’hui sous la bannière des libéraux.

Kevin Vickers tend la lettre à Robert Gauvin.

Le chef libéral Kevin Vickers (à droite) a remis à Robert Gauvin une lettre attestant qu’il est désormais le candidat du parti dans la circonscription de Baie-de-Shediac-Dieppe.

Photo : Radio-Canada

M. Gauvin ne pense pas que son ancien parti pourra réussir des percées francophones. Je laisse aux gens juger, mais ça me surprendrait beaucoup, déclare-t-il.

Le poids du vote francophone

Plus de 33 % de la population du Nouveau-Brunswick est francophone. Il y a un total de 16 circonscriptions détenant une majorité de francophones, et de 5 circonscriptions possédant au moins 20 à 25 % de francophones.

Comme il y a 49 circonscriptions dans la province, une majorité des progressistes-conservateurs sans un seul siège acadien reste plausible.

Mathématiquement, M. Higgs peut avoir un gouvernement majoritaire sans aucun siège dans les régions francophones.

Il demeure que dans les faits, ce sera difficile, puisque les gouvernements antérieurs ont traditionnellement obtenu leur majorité grâce aux francophones.

Le phare de l’île Miscou

La circonscription Shippagan-Lamèque-Miscou est majoritairement francophone.

Photo : Radio-Canada

Les progressistes-conservateurs devront mettre les bouchées doubles s’ils comptent faire une percée là où ils ont échoué la dernière fois.

J’ai l’impression que peu importe ce que le Parti conservateur met dans sa plateforme, la communauté francophone va rester très méfiante à son égard, dit pour sa part Stéphanie Chouinard, politologue et professeure adjointe au département de science politique au Collège militaire royal du Canada à Kingston en Ontario.

Daniel Allain, Acadien et fier conservateur

Candidat pour le Parti progressiste-conservateur dans la circonscription de Moncton-Est, Daniel Allain est un proche conseiller des anciens premiers ministres conservateurs Bernard Lord et David Alward.

Une pancarte du candidat progressiste-conservateur Daniel Allain.

Une pancarte du candidat progressiste-conservateur Daniel Allain.

Photo : Radio-Canada

Est-ce qu’on veut donner la balance du pouvoir à l’Alliance? Pour moi, ma réponse est non, dit-il.

Pour moi, M. Higgs est [un] bon gestionnaire de notre économie, un bon gestionnaire de la pandémie, on le voit aujourd’hui; notre taux de chômage est un des plus bas au Canada.

Daniel Allain n’a pas toujours été un fervent défenseur de Blaine Higgs. Il avait fait campagne contre lui lors de la course à la chefferie en 2016. Ce qui a changé cette fois-ci? Il promet de se battre pour les francophones au Cabinet.

Ancien président-directeur général d’Alcool NB, l’homme politique clame que c’est aux francophones et aux Acadiens de se demander est-ce qu’on veut être à la table.

Daniel Allain s’engage par exemple à travailler à la création d’un examen francophone pour la profession d’infirmière, qui a posé problème.

L’échec du statu quo

À la dissolution de l’Assemblée législative, les progressistes-conservateurs avaient 20 députés et pas un seul Acadien.

Le chiffre magique de la majorité au Nouveau-Brunswick est de 25 sièges.

Blaine Higgs portant un masque artisanal à l'effigie du drapeau du Nouveau-Brunswick descend de son autobus de campagne électorale.

Blaine Higgs arrivant à Blackville située dans la circonscription de Baie-de-Miramichi-Neguac, le 21 août.

Photo : Radio-Canada

S’il échoue à séduire les francophones, Blaine Higgs pourrait perdre son pari d’obtenir un gouvernement majoritaire.

Même s’il obtient une minorité, ce statu quo serait un échec et l’exercice d’une élection en pandémie aura été vain.

D’après le reportage de Nicolas Steinbach

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