L’ancienne gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean soutient qu’il est « irresponsable » que le premier ministre du Québec François Legault laisse entendre que le racisme systémique n’existe pas dans sa province.

Mme Jean a fait cette sortie lors d’une entrevue accordée mardi à l’émission Power & Politics, de CBC.

L’ancienne gouverneure générale – de 2005 à 2010 – a notamment affirmé que le racisme à l’encontre des Noirs et des Autochtones est profondément ancré dans certaines institutions du pays et qu’ignorer ce fait est un exercice de déni.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a annoncé lundi la création d’un groupe de travail contre le racisme envers les minorités visibles et les Autochtones.

Coprésidé par la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, Nadine Girault, et Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, le mandat de ce groupe se déclinera en trois volets : établir des secteurs prioritaires, prendre en compte les réalités particulières que vivent les personnes issues des minorités et élaborer des actions concrètes que le gouvernement pourra mettre en place.

Lors de sa conférence de presse, lundi, François Legault a toutefois refusé de qualifier le racisme de systémique, affirmant qu’il y a plusieurs définitions du racisme systémique.

Michaëlle Jean ne veut pas que ce moment de soutien populaire pour la justice raciale – dans la foulée du meurtre de George Floyd au Minnesota – se concentre seulement sur la définition du terme « racisme systémique ».

Il est cependant évident, a-t-elle ajouté, que certains secteurs de la société québécoise et canadienne sont dominés par des Blancs et que les autres sont souvent absents des coulisses du pouvoir.

« Nous venons d’un long héritage de haine que nous devons reconnaître, un héritage de haine qui vient de l’époque de la conquête coloniale, basé sur la suprématie blanche, la domination, la déshumanisation totale », a déclaré Mme Jean.

L’héritage est toujours là. Le racisme fait toujours rage.

Celle qui a été secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) note que le déni du racisme devient une partie du problème. Comment pouvez-vous aborder un problème si vous ne reconnaissez pas la situation? Je trouve cela très irresponsable, lance-t-elle.

À la question de savoir si le groupe de travail mis sur pied par le gouvernement du Québec peut faire son travail s’il n’y a pas de reconnaissance du racisme systémique, Mme Jean a répondu que le déni n’aide pas.

Il faut lui donner un nom. Il faut l’identifier, a-t-elle ajouté.

Au cours de cette entrevue, Mme Jean a raconté avoir été victime de racisme tout au long de sa vie, notamment lorsqu’elle a présenté sa candidature pour travailler à CBC/Radio-Canada.

Elle a déclaré qu’un de ses entretiens d’embauche, à la fin des années 1980, était uniquement axé sur sa race et qu’on lui a demandé à plusieurs reprises si elle serait capable de s’intégrer dans une salle de rédaction entièrement blanche.

Michaëlle Jean a mentionné que lorsqu’un de ces responsables lui a demandé si elle savait qu’elle serait « la première personne noire dans la salle de rédaction », elle a répondu : Vous savez quoi? Je pense que nous allons arrêter cette conversation ici même. Je pense qu’il y a un problème et que je ne suis pas le problème. Le problème est de votre côté.

Un seul mandat à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie

L’ancienne journaliste à CBC/Radio-Canada a été secrétaire générale de l’OIF de 2014 à 2018. Autant les gouvernements de la France, du Canada que du Québec n’ont pas soutenu sa candidature pour sa réélection.

Des dépenses controversées ont marqué son mandat, entre autres la rénovation de sa résidence officielle pour 500 000 $. Mme Jean s’est défendue en affirmant être victime de campagnes de dénigrement.

C’est finalement la Rwandaise Louise Mushikiwabo qui a succédé à Mme Jean à la tête de l’OIF au début de 2019.

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