Les chefs autochtones du Québec ne tarissent pas d’éloges pour l’homme que fut Joe Norton, le grand chef mohawk de Kahnawake, décédé vendredi à l’âge de 70 ans des suites d’une chute. Personne de principes, mais aussi d’alliances, Joe Norton a durablement marqué la vie politique autochtone pendant les 30 ans qu’il a passés à la tête de sa communauté.

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, a dit de M. Norton qu’il a été une force dominante parmi les Premières Nations pendant plus de trois décennies. Il a ajouté dans un message publié sur Twitter qu’il avait perdu un bon ami et un mentor.

L’ayant bien connu, Konrad Sioui, grand chef de la nation huronne-wendat, parle d’un homme de principes — un homme honorable, un homme fier, un homme digne, un grand guerrier –, mais également d’un homme de paix.

Même chose pour Ghislain Picard, chef des Premières Nations du Québec et du Labrador, qui l’a côtoyé en politique depuis le début des années 1990. M. Picard souligne la fermeté des positions de M. Norton, ce qui a fait sa marque, dit-il. Mais il insiste également sur son désir d’instaurer des alliances entre les peuples autochtones et la majorité canadienne et québécoise, pour trouver des formules qui permettent une cohabitation harmonieuse.

Récemment, il disait que c’était un aspect important pour arriver à un véritable engagement qui donne des résultats sur le plan politique, mais également sur le plan social et économique pour nos communautés respectives, se rappelle-t-il.

La militante des droits des autochtones, Ellen Gabriel, voyait en lui un grand homme d’État, un orateur fluide et un proche du clan des Tortues.

Nous avons toujours eu des discussions honnêtes en reconnaissant les opinions politiques de chacun. Il était bienveillant et respectueux, a-t-elle écrit sur Facebook.

Konrad Sioui le qualifie de son côté de peacemaker“,”text”:”peacemaker”}}” lang=”fr”>peacemaker, toujours prêt à arriver à un consensus quand ses interlocuteurs tentaient de comprendre la réalité des Premières Nations.

Ceux qui ont connu la crise d’Oka de loin n’ont peut-être pas bien connu le grand chef Norton et sa volonté absolue de toujours faire la paix. Il avait été élevé dans une pensée purement iroquoienne, c’est-à-dire que c’était un leader qui parlait toujours avec le nous. Ce n’était pas lui, c’était nous, ensemble. C’était un homme d’unité, évoque-t-il.

La crise d’Oka

Durant l’été 1990, Kahnawake épaule la communauté mohawk de Kanesatake, près d’Oka, dans sa lutte pour empêcher qu’un terrain qu’ils considèrent comme faisant partie de leurs terres ancestrales devienne un golf à 18 trous plutôt qu’à 9 et que 60 condos de luxe y soient construits.

Pour empêcher les deux projets d’aller de l’avant, un groupe de militants de la réserve de Kanesatake, ensuite rejoint par des partisans autochtones de partout au pays, érigent une barricade pour bloquer l’accès au secteur.

Devant des manifestants ignorant deux injonctions leur demandant de retirer le barrage routier et la mort d’un policier lors de l’assaut de la barricade le 11 juillet, la Sûreté du Québec met en place ses propres barrages routiers sur les routes qui mènent à Oka et à la réserve de Kanesatake.

En signe de soutien avec Kanesatake, des manifestants de Kahnawake bloquent alors le pont Mercier, coupant le lien entre l’île de Montréal et les banlieues de la rive sud. Cette barricade est levée fin août après d’intenses négociations auxquelles participe Joe Norton.

Toujours garder la tête hors de l’eau

Notamment en raison de l’épisode houleux de la crise d’Oka, Ghislain Picard mentionne les grandes capacités de médiation de Joe Norton, qui lui ont permis de rester grand chef de Kahnawake pendant trois décennies, de 1980 à 2004, puis de 2015 jusqu’à aujourd’hui.

Même ses détracteurs, s’il y en a, vont convenir qu’il a traversé des tempêtes, au niveau autant interne qu’externe, et qu’il s’en est toujours bien sorti.

Il indique que la crise d’Oka avait été une crise qui avait profondément divisé la communauté de Kahnawake.

Le chef des Premières Nations du Québec et du Labrador considère en fait Joe Norton comme quelqu’un d’inspirant, l’un des plus fidèles, toujours très solidaire à la démarche politique autochtone.

M. Sioui affirme quant à lui que Joe Norton laisse un héritage que peu de leaders des Premières Nations peuvent laisser, qui est d’abord celui d’écouter son peuple.

C’est un homme qui a tenu son bout, qui a été loyal envers lui-même et envers sa communauté et l’ensemble des Premières Nations. Un grand chef.

J’apprends avec tristesse le décès du grand chef de Kahnawake, Joseph Tokwiro Norton qui a servi pendant 30 ans. J’offre mes plus sincères condoléances à sa famille, ses proches et toute la communauté, a écrit le premier ministre du Québec, François Legault, vendredi soir.

Le premier ministre Justin Trudeau a lui aussi salué la mémoire du disparu.

Pendant 30 ans, le grand chef Joseph Norton a ardemment défendu sa communauté et il a servi avec distinction. Il laisse derrière lui de remarquables réalisations, et mes pensées accompagnent sa famille, ses amis et toute sa communauté en deuil, a souligné M. Trudeau, samedi après-midi.

Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, s’est dit, lui aussi, attristé par la nouvelle.

Chaque fois que nous nous sommes rencontrés, j’ai admiré son leadership. Il a consacré toute sa vie à se battre pour les droits des peuples autochtones, a-t-il écrit sur Twitter.

Le conseil de bande évalue la possibilité d’organiser un événement commémoratif en aréna afin de permettre à la communauté de lui rendre hommage tout en respectant la distanciation physique de mise. Les funérailles sont prévues la semaine prochaine.

Joe Norton laisse dans le deuil sa conjointe et ses deux enfants.

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