Ancienne employée d’une sénatrice du Manitoba et membre de la Fédération métisse du Manitoba, Breanne Lavallee-Heckert dit qu’elle s’est sentie obligée de quitter son poste en raison des retombées d’une plainte qu’elle avait déposée, au sujet d’une collègue qui, selon elle, revendiquait à tort une identité autochtone.

Breanne Lavallee-Heckert dit qu’elle a envoyé en avril une lettre à la sénatrice Marilou McPhedran. Dans cette lettre, elle aurait expliqué les raisons pour lesquelles les affirmations de sa collègue sur son identité métisse étaient problématiques à ses yeux. Elle a demandé que des mesures soient prises afin que cette dernière cesse de s’approprier une identité qui n’est pas la sienne, dit-elle.

Être exposée à quelqu’un qui me vole mon identité et ma culture est l’une des choses les plus humiliantes et les plus rabaissantes que je me sois infligées, a-t-elle écrit à la sénatrice. Elle précise qu’elle ne demandait pas le congédiement de sa collègue, mais des changements qu’elle jugeait importants.

Selon Mme Lavallee-Heckert, la réponse qu’elle a reçue, c’est que le problème venait d’elle et qu’elle avait des problèmes psychologiques.

Breanne Lavallee-Heckert a commencé à travailler à temps partiel pour la sénatrice Marilou McPhedran il y a deux ans. Elle était alors étudiante en droit à l’Université McGill. Elle travaillait à Montréal, et ses autres collègues étaient à Ottawa.

Elle soutient que les affirmations de sa collègue lui posaient des problèmes, mais que son sentiment de malaise s’est aggravé quand, en raison de la pandémie, tous les employés ont été contraints à faire du télétravail. Ce changement, dit-elle, l’a exposée tous les jours aux affirmations de sa collègue pendant les rencontres sur Zoom.

Groupe controversé

Breanne Lavallee-Heckert note que la ligne rouge a été franchie lorsqu’elle a appris que cette collègue était membre d’une organisation controversée au Québec, la Communauté métisse du Domaine-du-Roy et de la Seigneurie de Mingan (CMDRSM). En tant que Métisse, je sais qu’il n’y a pas de Métis du Québec, dit Mme Lavallee-Heckert.

La Communauté métisse du Domaine-du-Roy et de la Seigneurie de Mingan est un groupe qui s’inscrit dans la mouvance d’un phénomène qualifié de changement de race, un terme utilisé par Darryl Leroux et d’autres universitaires. Dans son livre, Distorted Descent: White Claims to Indigenous Identity, Darryl Leroux décrit des personnes qui pensaient être des Blancs et qui commencent à se dire Autochtones.

La CMDRSM fait partie des groupes de Métis de l’est les plus actifs pour tenter d’obtenir une reconnaissance officielle par les tribunaux du Québec. Toutefois, le groupe n’a pas réussi à démontrer devant la cour l’existence d’une communauté métisse historique sur le territoire où il fonde ses revendications.

Ce ne sont pas des Métis, déclare Mme Lavallee-Heckert. Dans la jurisprudence canadienne, ils ne sont pas reconnus comme Métis; aucun groupe autochtone ne les reconnaît comme Métis; ce ne sont clairement pas des Métis.

Selon Breanne Lavallee-Heckert, la sénatrice Marilou McPhedran, qui a été membre du comité sénatorial des peuples autochtones, sait qui sont les Métis. Elle considérait cette dernière comme une alliée des peuples autochtones, en particulier des femmes autochtones.

L’ex-employée du Sénat souligne qu’elle a été particulièrement agacée lorsque sa collègue, mise en cause dans ses allégations, a été félicitée pour avoir travaillé sur la modification de la Loi sur les Indiens. Il y a vraiment quelque chose de vraiment colonial dans l’idée que quelqu’un revendique à tort une identité métisse et travaille sur des modifications à la Loi sur les Indiens, affirme-t-elle.

La sénatrice Marilou McPhedran est une avocate spécialisée dans les droits de la personne. Elle a été professeure à l’Université de Winnipeg et est membre de l’Ordre du Canada. Elle a été nommée au Sénat en 2016 par le premier ministre Justin Trudeau.

La sénatrice Marilou McPhedran, le sénateur Peter Harder et le sénateur Murray Sinclair debout dans une salle.Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

La sénatrice du Manitoba Marilou McPhedran, au centre de la photo, tient une plume dans les mains et pose en compagnie des sénateurs Peter Harder et Murray Sinclair, le 16 novembre 2016 lors d’une cérémonie au Sénat.

Photo : La Presse canadienne / (Justin Tang

Au cours de son mandat, elle a soutenu la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, a déposé une demande de modification visant à éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans la loi sur les Indiens et a vivement critiqué la sénatrice Lynn Beyak.

Mme Beyak avait été suspendue du Sénat en mai 2019 après avoir refusé de retirer de son site web des lettres qualifiées de racistes.

Breanne Lavallee-Heckert dit qu’elle respectait le travail de Mme McPhedran et pensait que celle-ci comprendrait et reconnaîtrait le mal que lui causaient les affirmations de sa collègue.

Faute d’une réponse allant dans ce sens, dit-elle, la seule solution pour elle était de démissionner, ce qu’elle a fait dans une lettre datée du 30 juin. Les ressources humaines ne se souciaient pas du fait qu’une personne revendiquait à tort une identité métisse au Sénat, la sénatrice, non plus, dit-elle.

En réponse à cette lettre, la sénatrice a répondu : C’est avec regret et déception à votre égard que j’accepte votre démission.

avril 2020 et les conversations téléphoniques qui ont suivi ce jour-là, et qui n’est qu’amplifiée dans votre lettre de démission”,”text”:”Les erreurs factuelles [de la lettre de démission] sont trop nombreuses pour être listées ou répondues en détail, étant donné l’attitude hostile présente dès votre lettre du 21avril 2020 et les conversations téléphoniques qui ont suivi ce jour-là, et qui n’est qu’amplifiée dans votre lettre de démission”}}” lang=”fr”>Les erreurs factuelles [de la lettre de démission] sont trop nombreuses pour être listées ou qu’on leur apporte des réponses détaillées, étant donné l’attitude hostile présente dès votre lettre du 21 avril 2020 et les conversations téléphoniques qui ont suivi ce jour-là, et qui n’est qu’amplifiée dans votre lettre de démission, écrit la sénatrice.

Dans cette réponse, Mme McPhedran dit qu’elle est en désaccord avec le contenu de la lettre de Breanne Lavallee-Heckert. Elle écrit que les faits réels sont bien documentés et disponibles pour toute personne qui souhaite des informations exactes.

La sénatrice Marilou McPhedran a décliné la demande d’entrevue de CBC, invoquant des raisons de confidentialité. Cependant, dans un courriel, elle dit qu’elle a demandé un examen externe indépendant de l’environnement de travail dans son bureau en avril 2020.

Sans fournir de détails, elle précise que cet examen est terminé et le décrit comme un exercice bénéfique qui a permis à tous les membres de [son] bureau d’exprimer leurs préoccupations de manière constructive, positive et inclusive. Les idées tirées de cette situation aideront à renforcer davantage le respect et la collaboration dans mon bureau, ajoute-t-elle.

Mme Lavallee-Heckert, qui vit actuellement à Winnipeg et qui prévoit de poursuivre des études supérieures en droit à l’Université McGill en septembre, s’est dite surprise du ton méchant de la sénatrice.

Que dit la loi?

L’avocat torontois spécialisé en droit du travail, Howard Levit, ne peut commenter des cas précis sans connaître tous les faits. Il estime toutefois que les problèmes sont vraiment assez sérieux, surtout dans un organe comme le Sénat.

Le visage de Howard Levitt.Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Prétendre à tort être un Autochtone dans une demande d’emploi, dit-il, équivaut à mentir sur un curriculum vitae, ce qui peut être un motif de licenciement sans indemnité de départ, explique Howard Levitt.

Photo : Fournie par Howard Levitt

Selon M. Levitt, les candidats à un emploi au Sénat peuvent se présenter comme Autochtones lorsqu’ils postulent, et le seul processus de vérification est l’auto-identification. Prétendre à tort être un Autochtone dans une demande d’emploi équivaut à mentir sur un curriculum vitae, ce qui peut être un motif de licenciement sans indemnité de départ.

Si quelqu’un soulève des questions sur l’appartenance autochtone d’une autre personne, le dénonciateur doit être pris au sérieux et protégé des répercussions, croit-il.

CBC ignore si l’ancienne collègue de Breanne Lavallee-Heckert s’est présentée comme Autochtone quand elle a posé sa candidature au Sénat. Cette personne a depuis retiré le mot Autochtone de son profil dans les médias sociaux et a quitté son travail.

CBC l’a contactée pour avoir sa version des faits, mais n’avait reçu aucune réponse au moment de la publication de cet article.

Avec des informations de Chantelle Bellrichard

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