« On ne peut pas ouvrir la porte et dire : “Si vous venez illégalement, si vous trouvez un travail, c’est OK, on va vous accepter comme immigrant”. Ce n’est pas comme ça que ça marche », a affirmé jeudi François Legault.

Le premier ministre du Québec répondait ainsi directement à de multiples demandes, provenant à la fois d’avocats en immigration et d’organismes humanitaires, qui réclament une régularisation du statut des demandeurs d’asile actuellement au front contre la COVID-19 dans des établissements de soins.

Au Québec, selon la Maison d’Haïti, on estime qu’environ 800 personnes d’origine haïtienne occuperaient par exemple un poste de préposé aux bénéficiaires, notamment dans des CHSLD, tout en étant en attente d’un statut d’immigration.

Elles sont arrivées au moment de l’arrivée massive par le chemin Roxham [entre 2017 et 2018], mais leur dossier n’a pas encore été traité, explique Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti, un organisme qui vient notamment en aide à ces demandeurs d’asile.

Maintenant, elles sont complètement intégrées. Elles n’ont pas de statut, mais elles ont un permis de travail. Il faut une reconnaissance de leur travail, affirme-t-elle.

Je suis très heureux de leur travail, a d’ailleurs affirmé François Legault, en conférence de presse, tout en ajoutant que le Québec est chanceux de compter sur ces personnes.

Mais il y a des règles, a-t-il spécifié, en renvoyant ce sujet sur la table du gouvernement fédéral.

Je pense que c’est important de respecter les règles.

En effet, à proprement parler, le dossier des demandeurs d’asile n’est pas une compétence de Québec. En réalité, c’est un tribunal administratif indépendant, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qui analyse ces demandes.

Une députée demande un PEQ-santé

Des voix s’élèvent néanmoins pour que Québec et Ottawa agissent afin que ces immigrants puissent obtenir une résidence permanente.

La semaine passée, la députée provinciale indépendante Catherine Fournier avait présenté une motion pour que Québec reconnaisse la contribution de ces demandeurs d’asile durant cette crise, tout en demandant à Ottawa de régulariser rapidement leur statut.

Soutenu par des partis d’opposition, ce texte a néanmoins été rejeté par le gouvernement.

L’ex-élue péquiste revient à la charge, en proposant au ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, de créer un PEQ-santé, à l’image du Programme de l’expérience québécoise existant, qui permettrait une voie rapide vers l’immigration permanente, pour tous ceux qui agissent principalement comme préposés aux bénéficiaires.

Québec, assure-t-elle, pourrait délivrer un certificat de sélection (CSQ). Ça aurait une valeur symbolique, même si, ensuite, c’est à Ottawa de délivrer la résidence permanente, affirme Catherine Fournier.

L’émission hypothétique d’un CSQ n’a aucune influence sur le résultat du processus fédéral, soutient de son côté le porte-parole du ministre Jolin-Barrette, Marc-André Gosselin.

La moindre des choses, ce sera de reconnaître le travail de ces personnes qui risquent leur vie pour sauver des vies. Elles sont intégrées, sauvent des vies et répondent aux besoins de main-d’oeuvre.

De son côté, Ottawa pourrait avoir un geste humanitaire, avance le président de l’Association québécoise des avocats en droit de l’immigration, Guillaume Cliche-Rivard.

Ce dernier, qui a adressé au gouvernement Trudeau une lettre ouverte signée par plus d’une centaine d’avocats, exhorte ainsi Ottawa à se pencher sur l’étude des demandes d’immigration de ces travailleurs essentiels.

On demande un geste, un traitement accéléré pour remercier, reconnaître la contribution de ces personnes durant cette crise, lance-t-il.

À notre tour, ne serait-il pas grand temps de leur faire part de notre gratitude, de régulariser leur statut et de reconnaître formellement leur contribution à notre société? À notre tour, ne serait-il pas temps de sortir nos anges gardiens de l’enfer causé par l’incertitude liée à leur avenir et à celui de leurs enfants?

Ottawa réticent sans l’appui de Québec

Du côté d’Ottawa, en coulisses, des discussions ont lieu au plus haut sommet du gouvernement à ce sujet, a appris Radio-Canada.

Le dossier serait cependant très complexe. Il faudrait par exemple définir dans un premier temps les personnes qui pourraient avoir accès à un éventuel programme visant à régulariser plus rapidement leur statut.

Par ailleurs, puisque Québec et Ottawa ont une entente de longue date concernant l’immigration, le gouvernement Trudeau serait réticent à avancer sur ce terrain, même s’il en a les moyens, sans l’appui formel de l’équipe de François Legault.

Officiellement, le gouvernement Trudeau ne s’avance pas, mais assure être profondément reconnaissant à l’égard du dévouement, de l’engagement et du courage de ces travailleurs de première ligne du secteur de la santé [qui] jouent un rôle essentiel dans le maintien des services de santé des Canadiens.

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