Le gouvernement Ford a décidé, sans prévenir, de confier la gestion de l’apprentissage en ligne en français en Ontario à son diffuseur public, coupant ainsi l’herbe sous le pied des conseils scolaires francophones qui coordonnent ces services depuis plus de 10 ans.

La décision a pris tous les acteurs concernés par surprise et pourrait même contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés, selon des avocats, puisqu’en vertu de l’article 23, les conseils scolaires francophones en milieu minoritaire exercent le pouvoir de gestion et de contrôle sur l’éducation de langue française.

Ni le Groupe Média TFO, qui aura donc un mandat élargi, ni les conseils scolaires francophones, ni l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens n’ont été consultés au préalable. Tous ont pris connaissance du changement lors du dépôt du controversé projet de loi omnibus 197.

L’annexe 15 de la loi mandate désormais le Groupe Media TFO d’assurer la création, l’administration et la coordination des programmes d’enseignement à distance de langue française.

Le nouveau mandat de TFO, qui va gérer les cours en ligne en français, pourrait enfreindre l’arrêt Mahé (1990), qui donne le droit aux francophones de gérer leurs écoles. « Les conseillers scolaires sont élus. TFO n’est pas contrôlé par la minorité franco »-@GabrielPoliquin #onfr pic.twitter.com/0pS2COvoLy

— Natasha MacDonald-Dupuis (@NatashaCBC_RC) July 28, 2020

Depuis 2009, c’est pourtant le rôle du Consortium d’apprentissage virtuel de langue française de l’Ontario (CAVLFO), un système d’apprentissage électronique développé par les 12 conseils scolaires francophones à l’échelle de la province. Les cours y sont donnés par 24 enseignants membres de l’AEFO en prêt de service.

Quel message envoie le gouvernement Ford aux conseils scolaires francophones de l’Ontario avec cette décision et quel sera leur rôle dans la livraison de l’apprentissage en ligne dans le futur?

Lorsque questionnée à ce sujet lundi par Radio-Canada, la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, a répondu que la décision a été prise pour s’assurer que la qualité de l’éducation en ligne soit la plus haute possible, sans donner de détails sur le nouveau mandat de TFO.

La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney

La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney

Photo : La Presse canadienne / Chris Young

Des consultations avec les acteurs concernés seront menées par le ministère de l’Éducation, a dit la ministre.

Impact sur les élèves?

Le président de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO), Denis M. Chartrand, aurait CAVLFO“,”text”:”préféré que ça reste au CAVLFO”}}” lang=”fr”>préféré que ça reste au CAVLFO. Peut-être que TFO peut apporter quelque chose au niveau technique, mais il faut que le contenu pédagogique continue d’être la propriété et la décision des conseils scolaires.

On a définitivement des inquiétudes, renchérit le président de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), Yves Lévesque. C’est une décision qui n’a peut-être pas été prise en réfléchissant à tous les aboutissants. Des solutions existent déjà et fonctionnent, pourquoi transférer ça à un troisième partenaire?

En entrevue avec Radio-Canada, le directeur général des opérations de Groupe Média TFO, Éric Minoli, n’a pas été en mesure de garantir que les cours en ligne de langue française continueraient d’être offerts exclusivement par des enseignants de l’AEFO. C’est un peu tôt pour s’engager.

Le but c’était vraiment de centraliser l’offre de cours en ligne pour optimiser l’efficacité, dit M. Minoli, en précisant qu’il ne peut donner de détails spécifiques avant la fin des consultations. Je crois qu’on va avoir plus un rôle de soutien, de coordination et de collaboration.

L’ancienne directrice générale de TFO, Claudette Paquin, qui a quitté le diffuseur en 2010, croit que les décisions liées au nouveau mandat devront absolument être prises avec le consensus du milieu de l’éducation. C’est essentiel qu’il y ait un arrimage.

Un autre affront aux francophones, dit le NPD

Selon le porte-parole du NPD en matière d’Affaires francophones, il s’agit d’un affront direct à l’indépendance des conseils scolaires et au droit de détermination des francophones. Les conseillers scolaires ont été élus pour développer et protéger nos droits et notre éducation en français.

Le gouvernement Ford, croit Guy Bourgouin, tente d’accroître son influence sur la gestion des curriculums en centralisant la coordination des cours en ligne. Le gouvernement dit qu’il consulte tout le monde, mais dans les faits, et le projet de loi 197 est un autre exemple, on voit qu’il ne consulte personne.

L’avocat constitutionnaliste David Taylor s’interroge lui aussi sur la manière dont le mandat de TFO va interagir avec le pouvoir de gestion et de contrôle des conseils scolaires. Il croit que des contestations légales pourraient même être entamées.

L’arrêt Mahé de 1990, rappelle-t-il, a donné le droit aux minorités linguistiques du Canada de gérer elles-mêmes leurs écoles. : “Comment est-ce ce droit va être respecté”?”,”text”:”TFO n’étant pas un conseil scolaire francophone, la question devient: “Comment est-ce ce droit va être respecté”?”}}” lang=”fr”>TFO n’étant pas un conseil scolaire francophone, la question devient : “Comment est-ce ce droit va être respecté”?

Guy Bourgouin en conférence de presse à Queen's Park.

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique de l’Ontario en matière d’Affaires francophones, Guy Bourgouin, demande de l’aide pour les médias communautaires francophones.

Photo : CHAÎNE DE QUEEN’S PARK

Impact sur TFO?

En ajoutant à son mandat, le diffuseur public franco-ontarien se verra-t-il dans l’obligation de réorganiser sa structure ou même modifier ou supprimer des postes?

Récemment, en 2018, le Groupe Media TFO avait dû en sabrer 37, dont des postes de journalistes à sa chaîne ONFR+ en raison de problèmes financiers. La décision surprise avait provoqué un tollé.

Éric Minoli ne croit pas qu’il y aurait un impact sur les autres services. La direction du Groupe Média TFO doit élaborer un plan d’affaires d’ici décembre avec une évaluation des budgets nécessaires à la livraison du mandat.

Il est toutefois essentiel que le gouvernement Ford réponde avec le financement adéquat pour permettre à TFO de livrer ces services, souligne Claudette Paquin.

La façade d'un immeuble

La façade de l’immeuble du Groupe TFO

Photo : Radio-Canada / Mathieu Simard

Qu’adviendra-t-il du CAVLFO? Lorsque contacté par Radio-Canada, son directeur, Marc Côté, n’a pas voulu réagir au nouveau mandat de TFO, préférant nous rediriger vers les conseils scolaires.

Le bureau du ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, n’a pas répondu à nos demandes de précisions.

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