Discrètement, le gouvernement Trudeau cherche de l’inspiration pour articuler son plan de relance de l’économie canadienne. Dans un appel d’offres « urgent », Ottawa s’en remet au secteur privé pour le conseiller dans sa planification de la sortie de crise.

Le ministère fédéral de l’Innovation cherche au plus vite une firme pour piloter une analyse des principaux secteurs industriels stratégiques au niveau national et international, modéliser des scénarios et susciter de grandes idées.

Le document, consulté par Radio-Canada, donne un aperçu des questions qui parcourent l’appareil fédéral ces jours-ci.

Le gouvernement cherche à mieux comprendre les répercussions à moyen et à long terme de la pandémie sur des secteurs stratégiques de l’économie canadienne, évaluer les possibilités et les vulnérabilités de l’industrie et comprendre comment des pays qui sont des chefs de file abordent la reprise économique.

Le ministère cherche des options pour mettre sur pied une réponse industrielle canadienne globale qui mise notamment sur une croissance du secteur numérique et durable.

Il veut approfondir des questions comme l’endettement et les liquidités des entreprises, les perturbations de la main-d’œuvre, le rétablissement des chaînes d’approvisionnement, notamment.

La demande de soumissions qualifiée d’urgente a été ouverte aux candidatures une semaine seulement et se termine aujourd’hui (28 mai). Elle a été affichée sur le site de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.

De grandes firmes de consultants comme KPMG, Deloitte et Ernst & Young ont été invitées à soumissionner. L’exercice doit être terminé au 31 mars 2021. Le coût du contrat ne pourra excéder 3,75 millions de dollars.

Le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, s’étonne que le gouvernement fasse ainsi appel à une firme privée à ce moment-ci, alors qu’il dispose de milliers de fonctionnaires qui ont de très bonnes idées. Le gouvernement peut aussi demander les points de vue des partis d’opposition, puisqu’il est en situation minoritaire, fait-il remarquer.

Une porte-parole du ministère de l’Innovation assure que cette démarche est une pratique normale et qu’il ne s’agit pas de sous-traitance du travail des fonctionnaires.

Cela aidera le gouvernement à mieux comprendre les pressions particulières à chaque secteur qui sont engendrées par la COVID-19, explique-t-elle.

Rappelons que l’ancienne présidente du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, a aussi été nommée à la tête du Conseil sur la stratégie industrielle pour conseiller Ottawa sur la relance économique.

Un plan « plus tôt que tard »

Selon M. Giroux, le plus tôt un plan de relance sera présenté aux Canadiens, le mieux ce sera. Ça permet aux entreprises et aux individus de regagner confiance en l’économie, donc ça va leur permettre de délier les cordons de la bourse et d’être rassurés que, oui, il y aura une vie économique après la pandémie, explique-t-il.

Cependant, le président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos, affirme que l’heure de la relance n’est pas encore arrivée, puisqu’elle dépend des conditions sanitaires.

Il faut se méfier de la COVID-19, dit-il. Il faut vraiment s’assurer que les règles des experts de la santé publique continuent à être suivies et que l’aménagement du travail et de la relance économique permette de réduire les risques d’avoir une deuxième vague d’infection qui serait très néfaste pour les entreprises, a-t-il expliqué mercredi.

Jean-Yves Duclos lors d'une conférence de presse.

Le président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Selon le conservateur Gérard Deltell, il faut absolument que, dès maintenant, on soit actif par rapport à la relance, [c’est-à-dire] identifier tout de suite les secteurs qui mériteraient d’être mis en valeur.

L’opposition officielle aimerait voir une stratégie formelle de relance pour le début de l’année 2021. Outre les industries vertes et numériques, les conservateurs espèrent que d’autres secteurs ne seront pas snobés par le gouvernement libéral.

Il ne faut surtout pas mettre de côté les ressources naturelles, l’agriculture, les biens de base, déclare M. Deltell.

Et la mise à jour économique?

D’ici là, Yves Giroux croit qu’une mise à jour économique serait pertinente à courte échéance. Selon lui, l’attitude actuelle du gouvernement a des effets néfastes.

Le gouvernement fait des allusions, y pense, mais n’annonce pas ses plans. [Il fait] des annonces, puis les corrige quelques jours après. C’est un niveau d’incertitude qui n’est pas nécessaire, affirme le directeur parlementaire du budget.

Selon les estimations de M. Giroux, le déficit fédéral pourrait atteindre plus de 260 milliards de dollars cette année.

Le Parti conservateur continue de réclamer à grands cris une mise à jour économique en juin pour faire le point sur les dépenses et les estimations de revenus du gouvernement.

Gérard Deltell est préoccupé de ce que le ministre des Finances reste muet sur ses prévisions concernant le déficit. On n’a pas de réponse sur des questions très simples. On peut être inquiet sur les perspectives d’avenir, souligne-t-il.

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