Le gouvernement Trudeau a déposé lundi après-midi un projet de loi pour faciliter l’accès à l’aide médicale à mourir, comme le lui a ordonné un tribunal québécois. Il en a toutefois profité pour chercher à interdire cette aide à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé causant la souffrance.

C’est un jugement de la Cour supérieure du Québec, dans la cause Truchon et Gladu, qui a ordonné de changer les lois fédérale et provinciale avant le 11 mars.

Le concept de mort devenue raisonnablement prévisible, utilisé dans la loi fédérale, étant jugé trop restrictif, le gouvernement a procédé à des assouplissements, sans toutefois l’évacuer complètement.

Si une personne répond aux critères établis par la loi, mais que sa mort n’est pas raisonnablement prévisible, elle devra attendre 90 jours pour avoir accès à l’aide médicale à mourir. Le patient et un médecin ayant une expertise de son état de santé devront également avoir discuté des autres services disponibles.

Dans le cas où une personne demande l’aide médicale à mourir et que la mort est raisonnablement prévisible, elle pourra l’obtenir avec un seul témoin et sans période de réflexion de 10 jours. Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a souligné qu’il y a un quasi-consensus sur ce point.

La maladie mentale exclue comme problème de santé

Le texte modifie le Code criminel en précisant que l’aide médicale à mourir n’est pas permise lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée, peut-on lire dans le projet de loi.

C’est une question complexe et en tant que société, on est en train de mieux comprendre les maladies mentales. Les experts, les médecins, les infirmières nous ont dit qu’il n’y avait pas de consensus sur cette question. On va laisser les maladies mentales pour étude lors des [consultations] parlementaires. On est tous d’accord qu’il faut mieux comprendre et évaluer la situation.

Ainsi, en ce qui concerne la maladie mentale, les mineurs matures et d’autres cas, il faudra donc attendre de voir la version définitive de la loi, après les consultations parlementaires. L’adoption de la loi révisée est prévue en juin 2020.

Le ministre Lametti a demandé un délai de quatre mois à l’application du jugement, car il craint que les modifications qu’il a déposées lundi ne soient pas adoptées à temps.

Le tribunal entendra mardi, à Montréal, les arguments d’Ottawa pour sa demande de délai.

Si Ottawa n’obtenait pas le délai demandé, le jugement s’appliquerait seulement au Québec. Le reste du Canada attendrait l’adoption du projet de loi C-7 avant de voir de nouvelles règles d’accès à l’aide médicale à mourir.

La question du consentement préalable

Le ministre Lametti, avec son projet de loi, entend donner accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui auraient conclu une entente préalable avec leur médecin ou leur infirmier, même si, depuis cette entente, cette personne a perdu sa capacité à consentir à mettre fin à ses jours.

Ce consentement préalable sera appliqué uniquement aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible. Il s’agit donc des personnes qui peuvent perdre leur capacité à donner leur consentement dans un délai court.

Par ailleurs, l’aide médicale à mourir sera annulée si la personne manifeste un refus lors de la prestation.

Il est précisé que personne ne pourra faire une demande par anticipation. À titre d’exemple, une personne ne pourrait pas dire que si, dans cinq ans, elle avait telle maladie ou tel problème, elle voudrait bénéficier de l’aide médicale à mourir.

Selon l’avocat Jean-Pierre Ménard, qui défendait la cause de Nicole Gladu et Jean Truchon, la nouvelle mouture du projet de loi est globalement satisfaisante. Il reconnaît cependant que le délai de quatre mois que demande le ministre de la Justice pour l’étude du texte en commission parlementaire engendre une déception.

Me Ménard se dit également satisfait du fait que la loi sera appliquée dans tout le Canada, de sorte que le Québec ne fera pas cavalier seul.

Le Bloc québécois satisfait

Je suis agréablement surpris, a déclaré Luc Thériault, député bloquiste de Montcalm, après avoir pris connaissance du projet de loi.

M. Thériault s’est réjoui, entre autres, qu’on enlève le consentement final pour les personnes en fin de vie.

On ne donne pas toute la sédation nécessaire pour soulager la souffrance du patient pour qu’il puisse avoir toute sa tête au moment du deuxième consentement, a souligné M. Thériault, qui faisait référence à son expérience très personnelle au chevet de son père, décédé il y a deux semaines.

On l’a soulagé, mais ce n’était pas totalement, a-t-il raconté.

Selon lui, les changements promis amélioreraient énormément la fin de vie des gens.

Le Bloc québécois continuera, cependant, de militer pour le droit aux demandes anticipées pour les personnes souffrant de certaines maladies, comme la maladie d’Alzheimer.

Pour sa part, l’Association médicale canadienne (AMC) estime que les modifications proposées constituent une avancée prudente en réponse à la décision Truchon-Gladu.

Nous accueillons favorablement la démarche progressive du gouvernement dans le but d’examiner soigneusement les enjeux plus complexes. Nous sommes prêts à collaborer avec le Parlement dans le cadre des travaux législatifs à venir et de l’examen législatif prévu plus tard cette année.

La juge Christine Baudouin avait également invalidé la disposition de la loi québécoise sur l’aide médicale à mourir qui limitait l’admissibilité à ceux qui sont en fin de vie. Le gouvernement du Québec a annoncé le 21 janvier qu’une personne pourra désormais réclamer l’aide médicale à mourir même si elle n’est pas à l’agonie – le critère de fin de vie.

Sur le plan juridique, ce critère de fin de vie deviendra donc inopérant à compter du 12 mars.

Avec les informations de Philippe-Vincent Foisy

Add Your Comment