Le Canada « augmente le tempo » sur la scène internationale dans le but d’obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), mais a-t-il réellement une chance de victoire, ou le fait-il uniquement pour éviter « une défaite trop humiliante »?

Le premier ministre Justin Trudeau s’est envolé jeudi soir vers Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, où il participera au Sommet de l’Union africaine avec les dirigeants des 54 pays du continent.

Pendant les prochains jours, il multipliera les rencontres bilatérales et les poignées de mains afin de mousser la candidature canadienne en vue de l’élection au Conseil de sécurité.

Officiellement, le voyage sera axé sur les opportunités et la prospérité économiques, les changements climatiques, la démocratie et l’égalité des sexes.

Il est toutefois clair que le premier ministre concentrera une grande partie de ses efforts pour convaincre ses homologues africains de voter pour le Canada lors de l’élection de juin pour un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.

Avec ses 54 votes sur 193, le poids du continent africain est non négligeable.

L’Afrique est le principal réservoir de votes pour le Conseil de sécurité, explique Frédéric Mérand, directeur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM). Le voyage sera l’occasion d’obtenir des engagements.

Le chercheur souligne cependant que la stratégie canadienne n’en est peut-être plus une pour remporter l’élection, mais bien pour limiter les dégâts.

On peut expliquer la stratégie actuelle comme une volonté de limiter la casse : si ce n’est pas une victoire, au moins que la défaite ne soit pas trop humiliante.

Il rappelle que Justin Trudeau avait promis, lors de la campagne électorale de 2015, un siège au Conseil de sécurité, et qu’il avait fait de cette victoire une mesure de succès de sa politique étrangère.

Depuis les années 40, le Canada a été élu six fois au Conseil de sécurité, soit environ une fois par décennie. Le dernier mandat remonte à 1999-2000. En 2010, le gouvernement Harper avait retiré sa candidature avant de subir une défaite face au Portugal.

Jocelyn Coulon, qui est aussi chercheur au CERIUM et l’auteur d’un livre à paraître sur le Conseil de sécurité, constate que le gouvernement Trudeau a augmenté le tempo sur la scène internationale au cours des derniers mois.

L’une des choses qui a causé l’échec de Harper, c’est qu’il a commencé sa campagne tardivement. On a l’impression qu’au bureau du premier ministre [Trudeau], on a compris récemment qu’il faut aller sur le terrain, dit-il, jugeant que ces efforts arrivent là encore plutôt tard.

D’autant plus que le Canada se mesure à deux pays européens : l’Irlande et la Norvège, qui jouissent d’avantages considérables.

[Ces deux pays] ont un discours comme le nôtre sur le multilatéralisme, et en plus d’avoir un discours, ils ont une présence sur le terrain, indique M. Coulon.

Or, ce n’est pas tout ce qui joue contre la candidature canadienne.

Le Canada est en [concurrence] avec d’autres pays européens au sein d’un groupe européen, explique Frédéric Mérand. Ces pays européens savent qu’ils auront probablement le soutien de tous les pays européens.

On peut se demander si on ne fait pas face à pas un problème structurel qui va au-delà de notre diplomatie internationale.

Comprendre le vote

Le Conseil de sécurité de l’ONU est formé de 15 pays membres. Cinq – la Chine, la France, la Russie, le Royaume‑Uni et les États‑Unis – sont permanents.

Les 10 autres membres sont élus pour un mandat de deux ans, et leurs sièges sont répartis en groupes régionaux.

Le Canada fait partie du groupe des États d’Europe occidentale et autres États, qui est formé de 28 pays d’Europe occidentale ainsi que de l’Australie, d’Israël et de la Nouvelle-Zélande.

Pour remporter un siège, un pays doit obtenir au moins les deux tiers des voix, ce qui veut dire 129 votes si les 193 États membres participent au vote.

Puisque chaque pays a un vote, peu importe sa taille, il ne faut pas en négliger un.

Justin Trudeau reviendra au pays vendredi prochain. Après quelques jours en Éthiopie, il se rendra à Dakar pour y rencontrer le président du Sénégal, Macky Sall, puis à Munich, en Allemagne, où il participera à la Conférence sur la sécurité.

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