ANALYSE | Avec l’arrivée d’une deuxième vague de COVID-19, Doug Ford semble incapable de dire s’il faut diriger le navire à bâbord ou à tribord. Le premier ministre ontarien envoie des messages contradictoires aux Ontariens qui, eux, s’attendent à des directives claires de la part de leur capitaine. Retour sur une semaine ponctuée par des communications difficiles.

Ce qu’on demande à Doug Ford n’est pas sorcier : communiquer clairement, simplement, et ne pas changer de discours. Or, le gouvernement a semé la confusion cette semaine, notamment sur la question du dépistage. En moins de 24 heures, il a révisé deux fois les critères d’admissibilité pour obtenir le test. Des critères qui varient selon que vous vous présentiez en pharmacies ou dans un centre local de dépistage.

Après une première annonce sur l’arrivée du dépistage en pharmacie, le gouvernement a convié les journalistes en catastrophe le lendemain. Une séance d’information technique a été organisée pour corriger les informations communiquées la veille.

Le premier ministre Doug Ford en conférence de presse dans une pharmacie.

Doug Ford pense que le fait de pouvoir passer un test en pharmacie aidera à réduire l’attente dans les centres de dépistage.

Photo : Radio-Canada

Les partis d’opposition n’ont pas manqué de souligner le manque de clarté dans les propos du gouvernement. Les communications du gouvernement sont aussi claires que de la boue, déclarait cette semaine le député libéral John Fraser. La cheffe de l’opposition, Andrea Horwath, a parlé d’une situation honteuse pour le premier ministre et son entourage.

Les communications du gouvernement sont aussi claires que de la boue.

M. Ford assure pourtant que ses communications sont claires : Il ne devrait pas y avoir de confusion, a-t-il rapidement répondu à une question d’une journaliste cette semaine. Le premier ministre refuse d’admettre que ses messages inconstants font plus de mal que de bien.

Le mystère du plan d’action

En plus de la volte-face sur les critères d’admissibilité au dépistage, le premier ministre tarde à divulguer son plan d’action automnal. Même si l’automne a officiellement commencé le 22 septembre, de vastes pans de la stratégie provinciale demeurent inconnus. Doug Ford et son équipe nous répètent que le plan est prêt depuis la fin juillet, qu’on ne fait que le peaufiner, mais on ne sait toujours pas ce qu’il contient réellement pour faire face à la recrudescence du virus.

Doug Ford portant un masque.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et la ministre des foyers de soins de longue durée, la Dr Merilee Fullerton.

Photo : La Presse canadienne / Chris Young

En période de crise, où le plan de communications est très important, je suis un peu étonné de voir que le gouvernement semble un peu plus réactif que proactif dans ce cas-là, dit Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.

Devant les critiques, Doug Ford a expliqué que le plan était trop volumineux pour que les Ontariens puissent le digérer d’un seul coup. Le premier ministre a donc choisi de prendre son temps et de dévoiler les détails du plan sur plusieurs jours. Un dévoilement au compte-gouttes, pour éviter de submerger les Ontariens avec un trop-plein d’informations, a justifié le gouvernement. Un choix insultant, selon Andrea Horwath.

Je crois que c’est un peu insultant de suggérer que les Ontariens, qui composent avec la pandémie depuis la mi-mars, n’ont pas la capacité de comprendre le plan en plusieurs volets, a lancé la cheffe néo-démocrate.

Moi, je pense que ce serait avantageux de tout dévoiler d’un coup, parce qu’il y a beaucoup de gens sur la place publique qui posent des questions, qui veulent des réponses et le gouvernement n’a pas beaucoup de choses à offrir.

Se comparer, pour se consoler

Les communications semblent plus laborieuses ces jours-ci entre le gouvernement et le public. Si Doug Ford pouvait compter sur un auditoire attentif en mars et avril, les Ontariens sont maintenant moins à l’écoute et plus occupés. D’où l’importance pour le gouvernement d’avoir un message clair et concis.

Doug Ford et son équipe des communications peuvent cependant se consoler, puisqu’ils ne sont pas les seuls à éprouver des difficultés. L’improvisation semble répandue ces jours-ci au sein des gouvernements provinciaux. Son bon ami François Legault a aussi connu des ratés avec l’annonce de nouvelles directives sanitaires.

François Legault et Doug Ford assis à une table devant des drapeaux.

Le premier ministre du Québec, François Legault (à gauche) en compagnie de son homologue de l’Ontario Doug Ford (à droite).

Photo : La Presse canadienne / Chris Young

Si c’était juste en Ontario qu’il y avait ce problème-là et qu’ailleurs au pays ça allait bien, je vous dirais, bon ben oui, peut-être que le gouvernement de l’Ontario a un problème de message, de communication. Mais j’ai l’impression que c’est quelque chose qu’on voit partout au Canada, dans toutes les provinces, souligne Geneviève Tellier.

La politologue regarde la caméra

Geneviève Tellier, politologue à l’Université d’Ottawa

Photo : Radio-Canada / Rozenn Nicolle

Tout indique que Doug Ford et son conseil des ministres ont été pris de court par la flambée des nouveaux cas de COVID-19. L’augmentation nous est soudainement tombée dessus comme une tonne de briques, aime répéter le premier ministre. Difficile de dire si la surprise est réelle pour le gouvernement ou s’il a négligé sa préparation en prévision d’une deuxième vague.

Le gouvernement semble être en mode rattrapage et il doit se ressaisir. Cette semaine, il n’a pas donné l’impression d’être en contrôle de la situation. Certes, la situation évolue rapidement, mais elle n’est pas nouvelle. Après six mois de pandémie, le gouvernement devrait être en mesure de s’ajuster plus rapidement.

Doug Ford doit rectifier le tir, parce que l’enjeu est de taille : le lien de confiance qui a développé avec les Ontariens pourrait commencer à s’effriter.

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