Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, compte interdire au Québec toute thérapie visant à changer l’orientation sexuelle d’une personne. Ces thérapies, dites « de conversion », seraient plus fréquentes qu’on ne le pense. Le gouvernement Legault veut ainsi lancer un signal d’appui à la communauté LGBTQ québécoise.

C’est un dossier qui me préoccupe, admet le ministre Jolin-Barrette. C’est important de mettre un cadre qui n’est pas discriminatoire pour l’orientation sexuelle des individus ou l’identité de genre. Il faut agir. C’est intolérable que de telles pratiques aient lieu dans notre société.

Dans un projet de loi qui devrait être déposé cet automne, il envisage non seulement de bannir les thérapies de réorientation sexuelle, mais également de faire en sorte que les personnes qui les ont subies puissent obtenir réparation.

Quelque 47 000 Canadien(ne)s gais, lesbiennes, ou transgenres en auraient été victimes, d’après une étude du Centre de recherche communautaire, un organisme qui les représente.

En mars dernier, le gouvernement Trudeau avait déposé un projet de loi pour criminaliser cette pratique controversée, mais la fermeture du Parlement d’Ottawa l’a annulé. Le gouvernement Legault pourrait quant à lui agir dans son champ de compétence, avec des modifications au Code civil du Québec.

Un signal pour les ordres professionnels

Les intervenants du milieu sont unanimes : ce genre de thérapie est tabou.

Des fois, c’est très insidieux, explique Ariane Marchand-Labelle, du Conseil québécois LGBT. On n’a pas la recherche disponible actuellement pour vraiment cibler, savoir exactement combien il y en a qui se font au Québec, mais on sait que les conséquences sont très graves.

Quelqu’un qui vit ça est vraiment une victime d’exploitation autant émotionnelle que financière, dénonce-t-elle.

Mme Marchand-Labelle est d’avis que le gouvernement pourrait fournir un encadrement aux professionnels de la santé, notamment à l’Ordre des psychologues du Québec et au Collège des médecins.

Antoine Beaudoin Gentes dans les bureaux montréalais de CBC.

Antoine Beaudoin Gentes, directeur des opérations de l’organisme Enfants transgenres Canada

Photo : Radio-Canada / Isaac Olson

Antoine Beaudoin Gentes, de l’organisme Enfants transgenres Canada, suggère pour sa part une mise à jour dans les formations universitaires.

: pour les enfants qui sont trans, non binaires ou créatifs sur le plan du genre, on remarque du côté des professionnels et des ordres qu’il y a vraiment une difficulté à comprendre la complexité de ce sujet-là.”,”text”:”Prenons l’exemple de l’identité de genre, illustre-t-il: pour les enfants qui sont trans, non binaires ou créatifs sur le plan du genre, on remarque du côté des professionnels et des ordres qu’il y a vraiment une difficulté à comprendre la complexité de ce sujet-là.”}}” lang=”fr”>Prenons l’exemple de l’identité de genre, illustre-t-il : pour les enfants qui sont trans, non binaires ou créatifs sur le plan du genre, on remarque du côté des professionnels et des ordres qu’il y a vraiment une difficulté à comprendre la complexité de ce sujet-là.

Il faut que les spécialistes de la santé puissent accompagner adéquatement, de façon inclusive et sécuritaire, les jeunes qui se questionnent sur leur identité de genre.

Comme les enfants et les adolescents sont souvent les premiers visés par ces thérapies, les deux intervenants croient que la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) a aussi son rôle à jouer pour les protéger.

Laurent Breault, de la Fondation Émergence, ajoute cependant qu’il ne faut pas oublier, dans le volet réparation, que les aînés LGBTQ ont connu l’époque où l’homosexualité était criminalisée.

C’est une génération qui a connu de plein fouet les thérapies de conversion, souligne-t-il. Je pense qu’il va falloir faire un effort du côté du gouvernement pour vraiment considérer cette population-là qui vit encore aujourd’hui avec toutes les séquelles psychologiques et physiques.

Le ministre Jolin-Barrette répond que le gouvernement du Québec, avec le bureau de lutte, va s’assurer aussi de faire de la promotion pour dire aux gens qu’ils ont des recours si jamais ils ont été victimes d’une telle thérapie.

Imiter d’autres provinces

De plus en plus de provinces canadiennes légifèrent pour protéger le droit à l’identité sexuelle. C’est le cas du Manitoba, de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard.

En juin dernier, une motion pour interdire les thérapies de conversion a été adoptée à l’Assemblée nationale. On doit exercer un leadership politique et législatif à ce niveau-là et c’est l’intention que j’ai d’aller de l’avant pour faire en sorte que de telles pratiques ne se produisent pas sur le territoire québécois.

Le Parti libéral du Québec doit aussi déposer un projet de loi mardi à l’Assemblée nationale pour proscrire ces thérapies.

Dans un rapport déposé en juillet 2020, l’Organisation des Nations unies réclame l’interdiction mondiale de ces interventions et plaide pour que les États se dotent d’outils législatifs pour appliquer des sanctions envers ceux qui les pratiquent.

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