Deuxième vague de COVID-19, déficit record, plan de relance de l’économie… Les prochains mois seront cruciaux pour l’avenir du pays. L’un des défis de celle qui est perçue comme la dauphine du premier ministre Justin Trudeau sera de rassurer tant le public que le secteur financier.

À peine un mois après son assermentation comme ministre des Finances, Chrystia Freeland a du pain sur la planche.

Son premier budget, qui sera aussi le premier budget des libéraux de Justin Trudeau depuis l’élection de 2019, est attendu avec grande impatience.

Annoncera-t-elle un déficit record? Le chiffre de 100 milliards de dollars a circulé au cours des dernières semaines. Déjà, le plan d’aide pour la première vague de la pandémie est estimé à 340 milliards de dollars.

Mme Freeland a refusé notre demande d’entrevue.

Un important défi

Dans son bureau à Toronto, un de ses prédécesseurs, l’ancien ministre des Finances conservateur, Joe Oliver, n’est pas le seul à être préoccupé par l’ampleur du déficit.

Il soutient que plusieurs Canadiens sont terrifiés.

Je m’inquiète, dit-il. Le premier ministre a beaucoup parlé d’un changement énorme, d’un mouvement vers des déficits continus et massifs et ça, ce n’est pas une politique fiscale responsable.

Il ne plaide pas pour des mesures d’austérité, mais plutôt pour une gestion prudente.

Il ne faut pas être dépensier de façon extravagante, surtout dans cette situation de grande dette et de déficits sans fin. Mais on ne peut pas équilibrer le budget dans nos circonstances actuelles.

Il faut avoir un objectif, ajoute M. Oliver.

L’ancien conseiller politique libéral Robert Asselin estime, lui, qu’il est crucial pour la nouvelle ministre des Finances de se doter d’une cible claire.

En l’absence de cible, les gens imaginent que le gouvernement va dépenser beaucoup et ça les rend nerveux, explique celui qui a conseillé Justin Trudeau et l’ancien premier ministre Paul Martin, et qui a travaillé sur les deux premiers budgets de Bill Morneau.

Il craint aussi qu’en l’absence d’ancrage, les investisseurs [aient] peur qu’à un moment donné on augmente les taxes et les impôts, qu’on coupe dans les programmes sociaux.

Asselin. C’est ce qui les rend nerveux, l’incertitude.”,”text”:”Ça va rendre le Canada moins compétitif, explique M.Asselin. C’est ce qui les rend nerveux, l’incertitude.”}}” lang=”fr”>Ça va rendre le Canada moins compétitif, explique M. Asselin. C’est ce qui les rend nerveux, l’incertitude.

Ainsi que le fait Freeland, NDLR] en termes de responsabilité financière”,”text”:”qu’on en sait très peu sur sa position [à MmeFreeland, NDLR] en termes de responsabilité financière”}}” lang=”fr”>qu’on en sait très peu sur sa position [à Mme Freeland, NDLR] en termes de responsabilité financière, selon Geneviève Tellier, professeure spécialisée en politiques budgétaires à l’Université d’Ottawa.

Chrystia Freeland pourra clarifier toutefois en montrant qu’elle sait où elle s’en va.

Il va falloir expliquer le plan de match, il va falloir dire : “Voici comment on va parvenir à nos fins”.

Dire non

Ce qui risque d’être le plus difficile pour Chrystia Freeland, ce sera de faire des choix.

[Le ministre des Finances] c’est le point où toutes les demandes convergent et il faut faire le tri, dire ce qu’on peut faire, ce qu’on ne peut pas faire, ce que c’est qu’une bonne idée, ce que c’est qu’une mauvaise idée, explique Mme Tellier.

Parce que, même si le déficit s’annonce énorme, Chrystia Freeland ne pourra pas dire oui à toutes les demandes, même celles de ses collègues libéraux.

Au cabinet, les ministres se livrent une compétition pour des ressources, raconte Robert Asselin. Ça met une pression énorme sur la ministre des Finances pour choisir et garder l’harmonie au cabinet.

Quand on prépare un budget, on est un ami de tous, mais après un peu moins, un ministre des Finances doit devenir le Docteur No après un certain temps, renchérit Joe Oliver.

Chrystia Freeland devra donc être habile politiquement. D’autant plus qu’elle est en place pour être la dauphine du premier ministre et ainsi devenir la nouvelle cible des attaques de l’opposition et de ses futurs rivaux libéraux.

Bref, c’est l’art de la politique, note Geneviève Tellier.

Les fonctionnaires, un obstacle?

Un autre défi important attend Mme Freeland : trouver une façon de piloter le paquebot du ministère des Finances. Un stratège libéral, qui a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat, a indiqué que les hauts fonctionnaires peuvent parfois être frileux face aux grands projets d’investissements.

Robert Asselin partage une partie de cette analyse.

C’est sûr que quand on est au ministère des Finances, les hauts fonctionnaires, ils essaient de protéger ce qu’on appelle le cadre fiscal et de ne pas donner d’avis de dépenser si ce n’est pas nécessaire, c’est ça leur rôle, ce sont les gardiens des dépenses publiques, explique-t-il.

Et c’est une prudence qu’il juge nécessaire.

Ça a beaucoup de bon, parce qu’en fin de compte, ils comprennent que leur rôle est d’amener la meilleure analyse aux décideurs et après ça, de laisser le décideur prendre la décision.

Il rappelle d’ailleurs que le gouvernement Trudeau a pris beaucoup de décisions rapidement pendant la pandémie.

Il n’avait pas le choix, admet-il, mais avec le recul on se dit peut-être qu’on aurait dû prendre quelques jours pour y penser… On peut penser à la controverse WE Charity (UNIS), entre autres.

Cette controverse a d’ailleurs forcé l’ex-ministre des Finances Bill Morneau à démissionner.

Philippe-Vincent Foisy est correspondant parlementaire à Ottawa

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