Comme prévu, les finances publiques ont été « durement frappées » par la pandémie. Dans son énoncé budgétaire présenté vendredi, le ministre des Finances Eric Girard donne l’état de la situation : un déficit de 14,9 milliards de dollars est prévu pour cette année.

Elle est loin cette journée où Eric Girard avait enfilé symboliquement ses patins à la veille du dépôt de son budget début mars. Glissant à vive allure sur une patinoire des plaines d’Abraham à Québec, il envisageait une croissance économique rapide du Québec, mais n’avait pas anticipé que la glace fondait à vue d’œil à distance… un arrêt brutal de 40 % de l’économie et la perte de plus de 820 000 emplois.

Le déficit comprend une provision de 4 milliards de dollars en vue de la deuxième vague. Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) devra recourir à la totalité de sa réserve de stabilisation pour combler les pertes.

En 2020, la chute du PIB réel sera de 6,5 % au Québec, plutôt que la croissance de 2 % qui avait été envisagée. Et en 2022, selon les projections du gouvernement, la croissance atteindra 2,4 %. Québec choisit des estimations légèrement plus optimistes que la moyenne du secteur privé.

Un retour à l’équilibre budgétaire est prévu dans cinq ans et le ministre Girard table sur le retour à une croissance économique de 6 % d’ici décembre 2021 pour y arriver.

L’atteinte de cet objectif ne se fera pas au détriment des services publics ou par une hausse du fardeau fiscal des Québécois.

En 2020-2021, la baisse des revenus autonomes atteindra 9,6 milliards de dollars, mais une augmentation de 4 milliards en transferts fédéraux viendra alléger cette perte.

L’impact financier des mesures adoptées dans le cadre de la crise est de 6,6 milliards et la baisse des revenus autonomes pour le gouvernement est de 8,5 milliards de dollars, une chute de 9 %.

C’est un portrait prévu de l’année 2020-2021, a déclaré Eric Girard vendredi, et on fait un effort important de transparence pour les Québécois sur les coûts de la pandémie.

Des dépenses colossales en équipement pour la santé

Le matériel de protection pour les travailleurs de la santé, dont les masques et blouses achetés à des prix exorbitants en Asie, coûtera à l’État québécois près de 2,4 milliards de dollars.

Le coût de 20 000 tests de dépistage de COVID-19 par jour, s’il se concrétise, est estimé à 200 millions de dollars d’ici la fin de l’année.

Au total, les dépenses en santé et services sociaux en 2020-2021 s’élèveront à 51,3 milliards de dollars, soit 3,5 milliards de plus que prévu. Ce montant tient compte d’une baisse importante de la diminution des chirurgies dans les centres hospitaliers.

Dans l’éventualité où le Québec affronte une deuxième vague de propagation du coronavirus, Eric Girard assure qu’avec l’expérience désormais acquise, le gouvernement sera prêt et qu’il ales reins solides pour y faire face.

Eric Girard parle en conférence de presse.

« La taxe de vente, l’impôt des particuliers et l’impôt des corporations n’augmenteront pas », a affirmé Eric Girard, ministre des Finances du Québec, lors de son énoncé économique du 19 juin 2020.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Une dette de 222 milliards de dollars

Dans ce contexte, le gouvernement examinera la nécessité de revoir la Loi sur la réduction de la dette en vue de réviser les cibles fixées au cours des cinq prochaines années.

Lors de la présentation du budget, il avait été évalué que la dette atteindrait 45 % du PIB cette année, trois ans plutôt que prévu en vertu de la loi. Mais voilà qu’elle bondira plutôt à 50,4 % du PIB.

C’est qu’en tenant des investissements en infrastructures, la dette brute bondira de 22,9 milliards de dollars pour un total de près de 222 milliards.

Des emplois perdus

En mai, alors que s’est amorcé le déconfinement, il s’est créé au Québec 230 000 emplois et le taux de chômage a atteint 13,7 %, a décrit le ministre Girard.

Les conditions devraient continuer à s’améliorer d’ici la fin de l’année, mais tous les emplois ne reviendront pas, a prévenu Eric Girard.

Parmi les secteurs les plus affectés par la pandémie, M. Girard cite le commerce de détail, le tourisme, la restauration et l’aviation, qui représentent approximativement 18 % du PIB mais 25 % des emplois.

En ce qui a trait au taux d’inflation, le ministre prévoit qu’il sera de 1 % cette année et l’an prochain.

L’incertitude au programme…

Beaucoup d’incertitude entoure les prévisions budgétaires du gouvernement, a expliqué le ministre. Dans ce contexte, il faut que la confiance revienne pour que la consommation, les investissements et les embauches puissent reprendre, a-t-il précisé.

Le gouvernement de François Legault s’enorgueillit d’avoir rempli en deux ans la plupart de ses promesses électorales.

En ce qui le concerne, Eric Girard dit avoir remis plus de 2 milliards de dollars dans les poches des Québécois avec l’allocation famille, la baisse de la taxe scolaire et celle du tarif de stationnement des hôpitaux et, enfin, les crédits d’impôt.

Le gouvernement a aussi injecté plus de 400 millions de dollars par année dans les soins à domicile et il a bonifié le crédit d’impôt pour les proches aidants.

Un énoncé critiqué par l’opposition

Le gouvernement n’a pas profité de cette mise à jour pour annoncer de nouvelles mesures, contrairement à ce que réclamait l’opposition officielle.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libérale du Québec (PLQ), se dit étonnée de l’optimisme manifesté par le gouvernement de la CAQ, qui s’attend à une croissance de 6 %, alors que le scénario le plus pessimiste en matière de déficit se réalise avec un déficit de 15 milliards, a-t-elle dénoncé par voie de communiqué.

Mme Anglade déplore que le gouvernement Legault n’accorde pas d’aide spécifique aux petites et moyennes entreprises des secteurs de la construction et de la restauration.

Aux yeux du Parti québécois (PQ), la prévision du gouvernement Legault de revenir à l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans est est excessivement conservatrice. D’autant plus, souligne le député péquiste Martin Ouellet, que le gouvernement prévoit une reprise rapide, et ce, dès l’an prochain.

M. Ouellet affirme que le Québec doit faire les bons choix pour que cette relance se concrétise, notamment en prévenant et en atténuant une possible deuxième vague de COVID-19.

Martin Ouellet trouve par ailleurs que l’aide consentie aux entreprises par Québec, surtout sous forme de prêts, a été trop timide. Il faut donner de l’aide directe aux entreprises, selon le PQ.

Pour sa part le député solidaire de Rosemont, Vincent Marissal, trouve « indécent » que le gouvernement de la CAQ fasse de l’équilibre budgétaire sa priorité alors qu’en ce contexte de pandémie, les décès quotidiens se comptent encore par dizaines au Québec.

Selon M. Marissal, il importe de sortir « de la crise sanitaire sans trop de dégâts, pas de penser à l’état de nos finances publiques dans cinq ans alors que c’est à peu près impossible à prévoir dans la conjoncture actuelle ».

Mathieu Dion est correspondant parlementaire à Québec

Avec les informations de Gérald Fillion

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