Les conservateurs fédéraux peinent à faire leur marque depuis les élections d’octobre dernier. Au moment où le parti se cherche un nouveau chef pour rebondir, il fait face à un énorme défi : redevenir attrayant auprès des électeurs de l’est du pays.

En banlieue de Toronto, les clients sont tout sourire dans un centre de jardinage. Ce n’est pas encore le retour à la vie normale, mais ce moment leur offre certainement un peu de carburant pour la suite.

Le commerce se trouve en plein coeur de la circonscription fédérale de Thornhill. On y vote conservateur depuis 2008. Discuter de politique en temps de pandémie donne parfois lieu à des visages qui se raidissent. N’empêche, quelque chose se dégage de ces échanges.

Derek, qui préfère n’être identifié que par son prénom, vit dans la circonscription depuis 10 ans. Aujourd’hui, je ne peux pas vous dire si je suis prêt à voter conservateur comme la dernière fois, admet-il. Je ne comprends plus ce parti. Le gouvernement libéral a bien des défauts, mais j’avoue qu’il a fait du bon travail dans les circonstances.

Jean Dilcock, qui a longtemps voté conservateur, dépose ses pots de fleurs avant de s’exprimer à son tour. Ils doivent s’asseoir et décider de ce qu’ils veulent être. À vouloir être un parti avec une vision étroite qui ne parle qu’à la droite, ils donnent aux libéraux la liberté d’être élus pour toujours. C’est terrible pour la démocratie, juge-t-elle.

Jean Dilcock sourit à la caméra.

Jean Dilcock, une résidente de la circonscription fédérale de Thornhill, dans la région de Toronto, estime que les conservateurs font preuve d’une vision étroite.

Photo : Radio-Canada / Marc Godbout

Pourquoi le Parti conservateur du Canada (PCC) devrait-il y voir un sérieux avertissement?

Thornhill est la circonscription, à l’est du Manitoba, où les conservateurs ont obtenu leur plus fort pourcentage de votes lors du scrutin d’octobre. Pas moins de 54,6 % des électeurs, soit près de 30 000 personnes, ont voté pour le parti et son candidat Peter Kent.

Mais même ici, la température de l’eau a changé. Elle reflète les résultats des coups de sonde des dernières semaines en Ontario. Un écart considérable sépare depuis plusieurs semaines les libéraux des conservateurs, dans la province qui compte le plus de sièges.

Malheureusement, jusqu’ici, je ne vois pas comment MacKay ou O’Toole pourrait unir ce pays, ajoute Jean Dilcock. C’est décevant. Tout est anti-Trudeau. Où sont les idées?

Où sont les nouvelles idées?

Dans une course à la direction qui a du mal à capter l’attention du public, et à quelques jours des deux premiers débats des candidats qui aspirent à remplacer Andrew Scheer, un mélange de fatigue et de déception s’est déjà installé, même dans Thornhill.

La crise n’a certes pas aidé à favoriser l’intérêt pour cette course. Justin Trudeau, qui a pu bénéficier d’une visibilité accrue, avec ses points de presse quotidiens et un Parlement inactif pendant des semaines, a limité le champ d’action des conservateurs.

Un homme fait son jogging et un autre marche sur la rue Yonge.

Un écart considérable sépare depuis plusieurs semaines les libéraux des conservateurs en Ontario, la province qui compte le plus de sièges.

Photo : Radio-Canada / Marc Godbout

Mais en sillonnant Thornhill, on constate que le problème est plus profond pour le PCC.

Larry Berman fait partie des plus ardents partisans conservateurs. Il a du mal à s’intéresser à la course, qu’il juge peu stimulante.

: “Nous avons besoin d’un pipeline”. Nous avons besoin d’un programme politique plus fort. Plusieurs de nos politiques que nous martelons ne trouvent pas écho chez les jeunes”,”text”:”Ce serait déjà un bon début d’avoir des politiques qui ne se limitent pas uniquement à: “Nous avons besoin d’un pipeline”. Nous avons besoin d’un programme politique plus fort. Plusieurs de nos politiques que nous martelons ne trouvent pas écho chez les jeunes”}}” lang=”fr”>Ce serait déjà un bon début d’avoir des politiques qui ne se limitent pas uniquement à : “Nous avons besoin d’un pipeline”. Nous avons besoin d’un programme politique plus fort. Plusieurs de nos politiques que nous martelons ne trouvent pas écho chez les jeunes, se désole-t-il.

Il en sait quelque chose. Ses trois enfants n’ont pas voté pour le PCC aux dernières élections.

Qui est Larry Berman? Un gestionnaire de portefeuille et… le président de l’association du Parti conservateur de la circonscription.

Il est d’avis que le parti tarde trop à moderniser son programme politique. Larry Berman est d’autant plus inquiet que le prochain chef devra composer avec un monde bien différent.

Dire que nous allons mettre la hache dans les taxes et les impôts ne peut plus suffire. Sans compter que personne ne sera prêt à voter pour l’austérité, souligne-t-il.

Larry Berman, les bras croisés.

Larry Berman est le président de l’association conservatrice de la circonscription fédérale de Thornhill.

Photo : Radio-Canada / Marc Godbout

Ils sont de plus en plus nombreux à demander de nouvelles idées et une réflexion sur divers enjeux. Politique fiscale, fédéralisme, péréquation, politique industrielle, environnement…

Si la crise doit justement forcer le PCC à se redéfinir, Larry Berman ne voit toujours pas, de la part des candidats, des orientations politiques réfléchies, dans lesquelles les Canadiens pourraient s’identifier.

Je les ai écoutés et je dois vous dire que c’est toujours la même chose. Je ne suis impressionné par personne pour le moment, mais ce sont les seuls qui ont choisi de se présenter, résume-t-il.

Sans gains importants dans l’est du Canada, et particulièrement en Ontario, le Parti conservateur pourrait être condamné à faire du surplace. À un peu plus de deux mois du choix du prochain chef du PCC, Larry Berman ne se fait pas d’illusions.

Je déteste dire ça. Mais il n’y a pas de candidat assez fort pour gagner les prochaines élections. L’enjeu est important. À moins d’un virage dans notre programme, je pense que nous ne gouvernerons peut-être pas avant une décennie ou plus, croit-il.

Deux hommes font des travaux devant la bibliothèque du quartier historique de Thornhill, dans la banlieue de Toronto.

La banlieue de Toronto, riche en sièges, est incontournable pour tout parti qui aspire au pouvoir.

Photo : Radio-Canada / Marc Godbout

Alors qu’un brassage d’idées semble de plus en plus s’imposer, un détail non négligeable pourrait prolonger les difficultés du parti. Le PCC a reporté pour une deuxième fois son congrès politique.

L’exercice d’orientation, qui devait avoir lieu en avril, avait d’abord été remis à novembre, en raison de la démission d’Andrew Scheer. Puis, compte tenu de la pandémie, le parti a finalement choisi de reporter le congrès à une date encore indéterminée l’an prochain.

Après la suspension de la course, un deuxième coup de départ de cette épreuve à quatre a été donné. Et si tout se passe comme prévu, les conservateurs fédéraux auront un nouveau chef au mois d’août.

La banlieue de Toronto, riche en sièges, est incontournable pour tout parti qui aspire au pouvoir. Avec un gouvernement minoritaire, difficile de prédire la date du prochain scrutin. Mais pour l’instant, que ce soit dans le stationnement du centre de jardinage ou dans les rues de Thornhill, ils sont nombreux à croire, dans cette circonscription, que le Parti conservateur fait fausse route.

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