Le gouvernement de Blaine Higgs, au Nouveau-Brunswick, propose de renforcer certains pouvoirs accordés par la Loi sur les mesures d’urgence afin de mieux lutter contre la propagation de la COVID-19, mais ces changements sont plutôt mal accueillis par l’opposition.

Le projet de loi, s’il est adopté, accorderait au gouvernement le pouvoir de modifier ou de suspendre des lois provinciales à huis clos, sans débat à l’Assemblée législative. Il donnerait aussi aux agents de la paix le pouvoir discrétionnaire d’arrêter des citoyens et d’exiger des pièces d’identité.

Le gouvernement affirme que ces modifications visent à renforcer sa capacité à maîtriser et prévenir la propagation de la COVID-19. Mais il n’a pas expliqué pourquoi ces pouvoirs accrus pour son Cabinet et pour les agents de la paix sont jugés nécessaires en ce moment.

Des fonctionnaires ont tenté de justifier ce projet de loi en expliquant que les partis d’opposition ont le loisir d’apporter des modifications s’ils le désirent.

Le chef du Parti libéral, Kevin Vickers, dénonce vivement le projet de loi. Il va même jusqu’à qualifier d’effrayants les pouvoirs accrus d’arrestation.

Pour nous, c’est tout à fait inacceptable dans une société libre et nous allons nous opposer à ce projet de loi dans sa forme actuelle, a affirmé Kevin Vickers.

Le chef libéral juge que la communication, la facilitation et l’éducation sont de meilleurs outils à employer lors d’une situation de crise.

L’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick (AFMNB) estime quant à elle que le gouvernement de Blaine Higgs légifère de manière paternaliste avec ce projet de loi.

Frédérick Dion, le directeur de l’association, s’est dit surpris que son organisation n’ait pas été consultée ou même informée à l’avance du dépôt d’un tel projet de loi. Ce qui l’inquiète, c’est que selon la mouture actuelle, le gouvernement provincial pourrait modifier unilatéralement les arrêtés municipaux. On ne voit pas quelles situations permettent de justifier le changement proposé. On a beaucoup de questions par rapport à ce que la province propose, a-t-il ajouté.

Une professeure de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick, Nicole O’Byrne, exprime aussi de sérieuses réserves. Selon elle, les modifications proposées conféreraient au Cabinet des pouvoirs sans précédent et elles élargiraient la portée des pouvoirs de la police. Mme O’Byrne estime qu’il serait malavisé, dans le contexte actuel de manifestations contre le racisme, d’élargir ainsi le pouvoir des policiers.

Un moment inopportun

Selon le directeur de l’Association canadienne des libertés civiles, Michael Bryant, l’expansion des pouvoirs de la police est particulièrement inopportune, dans le sillage des protestations contre le traitement des personnes de couleur par la police. Je serais choqué si l’Assemblée adoptait cette disposition à ce moment-ci, a-t-il admis.

Ce projet de loi permettrait à la police de harceler et de recueillir des informations illégalement en exigeant des pièces d’identité, une pratique universellement dénoncée. Ce qui est scandaleux, c’est le moment choisi pour le faire.

Les responsables de la sécurité publique ont réagi rapidement à la vague de critiques de jeudi matin, en déclarant aux journalistes lors d’une réunion d’information que les amendements ne font qu’inscrire dans la loi une série de mesures et de pouvoirs que la province utilisait de manière fragmentaire depuis mars.

Déjà des pouvoirs étendus

Le ministre de la Sécurité publique, Carl Urquhart, a décrété l’état d’urgence le 19 mars.

Selon la Loi sur les mesures d’urgence, la déclaration doit être renouvelée par le Cabinet toutes les deux semaines.

Le projet de loi de Carl Urquhart, présenté mercredi, modifiera la loi d’urgence elle-même, qui accorde déjà des pouvoirs étendus au gouvernement.

Le sous-ministre Mike Comeau a expliqué que les différentes déclarations d’urgence ont déjà suspendu ou annulé certaines lois et que ces changements lui donneraient tout simplement une certaine autorité explicite.

Les déclarations, qui ont été fréquemment mises à jour, ont été utilisées pour restreindre les déplacements, exiger aux gens de s’isoler, ordonner aux restaurants de fermer et interdire aux propriétaires d’expulser les locataires pour non-paiement du loyer. M. Comeau a cité ces restrictions comme exemples pour exposer comment la loi donne déjà des pouvoirs extrêmement étendus au ministre. Selon lui, le nouveau projet de loi vise donc simplement à offrir plus de transparence et un meilleur contrôle.

Avec des renseignements de Michel Corriveau et de Jacques Poitras, CBC

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