Des députés libéraux de partout au pays expriment publiquement leur désaccord face au mégaprojet d’exploitation des sables bitumineux Frontier dans le nord de l’Alberta. Cette pression venant de l’interne, dans son propre caucus, rend la décision de Justin Trudeau encore plus délicate.

En Atlantique, Sean Casey indique être personnellement contre le projet minier, parce que ça reflète la volonté de ses commettants. Le député de Charlottetown avance que les discussions au sein du caucus sont tendues et que la décision sera lourde de conséquences.

Ça va à l’encontre de notre marque de commerce comme libéraux. Nous nous sommes fait élire pour atteindre zéro émission de carbone d’ici 2050. Si cet engagement est sérieux, il faut s’assurer que la mine Frontier ne va pas de l’avant

L’élu de l’Île-du-Prince-Edouard reconnaît que le blocage du projet par Ottawa risque de soulever un tollé en Alberta, qui pourrait attiser les velléités séparatistes de la région. Peu importe si le gouvernement approuve ou rejette le projet, nous allons nous mettre des gens à dos, dit le député.

Pour Adam Vaughan, député ontarien de Spadina–Fort York, la décision concernant Frontier prend une dimension personnelle. Des membres de sa famille ont été touchés ces derniers mois par les feux qui ravagent l’Australie. Ma famille est australienne, mes cousins sont en état d’alerte depuis des mois maintenant, explique-t-il.

Nous avons fait des promesses en matière de climat. Nous avons pris des engagements sur le climat envers nos enfants. Il faut agir pour contrer les changements climatiques. Ça prend trop de temps

M. Vaughan se dit grandement préoccupé par les effets négatifs de Frontier sur les communautés autochtones et l’environnement dans la zone touchée par le projet.

Décision et division

Dans trois semaines environ, le Cabinet libéral doit décider s’il donne le feu vert à une imposante mine de sables bitumineux dans le nord de l’Alberta, un projet qui pourrait entacher la crédibilité de son plan climatique.

Frontier a le potentiel de générer 70 milliards en revenus pour le Trésor public, mais aussi entraîner des impacts majeurs pour l’environnement

Le député québécois Joël Lightbound se garde bien de commenter l’éventuelle décision du Cabinet, mais il est clair sur ses priorités. Pour ma part, à titre personnel, comme député, il est fondamental qu’on atteigne nos objectifs, nos cibles de Paris, nos cibles pour 2050. L’environnement est un enjeu très important. Par rapport au projet spécifique, je vais laisser le Cabinet se prononcer en temps et lieu, fait-il valoir.

Le débat pourrait s’avérer tout aussi houleux au sein du Conseil des ministres, qui doit trancher la question.

La ministre britanno-colombienne Joyce Murray exprime publiquement les tiraillements internes du gouvernement Trudeau. Nous voulons une économie forte et de bons emplois. Et nous voulons atteindre nos cibles de réduction des gaz à effet de serre, indique la députée de Vancouver Quadra.

C’est une question importante avec laquelle nous nous débattons au Conseil des ministres, et il faudra prendre une décision dans les prochaines semaines, assure-t-elle.

Le gouvernement Trudeau cherche à rebâtir les ponts avec les provinces des Prairies. Une décision négative concernant le projet Frontier de Teck Resources serait perçue comme un geste d’agression envers les intérêts économique de l’Ouest par le premier ministre albertain Jason Kenney.

Le gouvernement libéral pourrait donc préparer un geste d’ouverture dans le prochain budget – comme une infusion d’argent en Alberta, par exemple – afin d’amortir le coup.

Le ministre Morneau debout devant un lutrin.

Le ministre Morneau invité à l’Economic Club à Calgary.

Photo : La Presse canadienne / Todd Korol

Morneau prudent

En visite à Calgary lundi, le ministre des Finances Bill Morneau rencontrait les membres de l’Economic Club of Canada pour discuter, entre autres, de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le Canada demeure engagé à atteindre les cibles de Paris. À mesure que nous nous dirigeons vers une économie à faibles émissions en carbone, l’expertise du secteur albertain de l’énergie sera vitale, a-t-il expliqué devant un parterre de gens d’affaires.

Toutefois, interrogé par les journalistes, il s’est bien gardé d’exprimer une position personnelle sur le projet Frontier.

Il y a un processus important. Nous sommes en train de finaliser le processus pour avoir la décision du Cabinet, s’est-il contenté de dire.

M. Morneau assure avoir entendu l’opinion de beaucoup de gens et affirme que ce sera considéré dans l’avenir proche.

Le Cabinet de Justin Trudeau doit rendre sa décision en théorie au plus tard le 28 février prochain.

L’été dernier, une commission d’examen fédérale-provinciale a conclu que la mine Frontier était dans l’intérêt public en raison de ses retombées économiques, même si elle a reconnu des impacts majeurs sur l’environnement.

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