Quand Simon-Pierre Beaudet faisait campagne l’automne dernier, des électeurs lui demandaient souvent quelle était la différence entre les programmes du Nouveau Parti démocratique (NPD) et du Parti vert. Lui-même est néo-démocrate. Il milite depuis 15 ans dans le parti et s’est présenté trois fois comme candidat dans Beauport-Limoilou, à Québec.
Sur le terrain, explique-t-il, les gens à gauche étaient déchirés entre le NPD et les verts
. Ils ne voyaient pas de grosse différence entre les deux formations politiques.
Pourtant, des différences, il y en a, selon lui : Traditionnellement, le NPD a toujours été le parti le plus fort sur les questions sociales. Les verts, sur les questions environnementales
.
Ces dernières années, les néo-démocrates ont adopté des politiques climatiques ambitieuses, comme la création de 300 000 emplois dans la transition écologique et l’obligation de fabriquer des véhicules zéro émission d’ici 2040.
La nouvelle cheffe du Parti vert, Annamie Paul, a promis de faire de la justice sociale l’un de ses chevaux de bataille. Parmi ses priorités : un revenu minimum garanti et un programme national d’assurance-médicaments, deux idées aussi défendues par le NPD.

Le NPD et les verts souhaitent tous deux des mesures plus ambitieuses en matière de lutte contre les changements climatiques.
Photo : iStock
Les deux partis ont un fond commun
, avance Simon-Pierre Beaudet.
Comme plusieurs militants du NPD, il souhaite une alliance entre les deux formations politiques au moins pour la prochaine élection.
Aucun des deux partis n’a l’organisation ni l’argent, en ce moment, pour remporter une campagne électorale
, affirme-t-il.
Cibler 100 circonscriptions

Dans la circonscription de West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, où se trouve la ville de Whistler, en Colombie-Britannique, les libéraux l’ont emporté avec 34,9 % des voix en 2019. Si on additionne les votes du NPD et des verts, on obtient 36,3 %. L’Alliance d’un tour pour la réforme démocratique estime cette circonscription « prenable ».
Photo : Getty Images / Don Emmert
Simon-Pierre Beaudet appuie l’Alliance d’un tour pour la réforme démocratique“,”text”:”Alliance d’un tour pour la réforme démocratique”}}” lang=”fr”>Alliance d’un tour pour la réforme démocratique (Nouvelle fenêtre)
, une organisation non partisane lancée officiellement il y a moins de deux semaines et qui compte déjà plusieurs centaines d’adhérents.
L’Alliance propose qu’à la prochaine élection, le NPD et les verts collaborent dans 100 circonscriptions prenables
. Dans la moitié d’entre elles, les néo-démocrates présenteraient un candidat sans opposition des verts et réciproquement.
Le problème, en ce moment, c’est qu’on voit une division du vote progressiste
, explique le néo-démocrate Wayne Stetski. En 2019, il s’était présenté comme candidat dans Kootenay-Columbia, une circonscription dans l’est de la Colombie-Britannique qui a finalement été remportée par les conservateurs avec 45 % du vote. Le NPD a obtenu 34 % des suffrages. Les verts, 9 %. Si les deux partis avaient été ensemble, on aurait eu plus de chances de l’emporter
, croit-il.

En octobre 2019, lors de la dernière élection fédérale, le NPD a remporté 24 sièges et le Parti vert en a gagné 3.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Chez les verts aussi, il y a de l’enthousiasme. Dimitri Laskaris et Meryam Haddad, deux écosocialistes de Montréal qui se sont présentés dans la course à la direction, croient qu’un partenariat augmenterait les chances des progressistes de faire avancer les dossiers qui leur tiennent à cœur : la crise climatique, la justice sociale et, surtout, la réforme du mode de scrutin.
Si on a plus de députés qui sont élus, à ce moment-là, on aurait plus de pouvoir pour forcer la main à un gouvernement minoritaire d’adopter une réforme électorale.
L’agrégateur de données et fondateur du site Qc125 Philippe J. Fournier avait d’ailleurs calculé l’an dernier l’impact d’une fusion entre le NPD et les verts. Le Parti démocrate vert
, comme il l’avait baptisé, aurait pu remporter environ 59 sièges au pays, selon ses prévisions faites quelques mois avant le scrutin de 2019.
C’est plus du double que ce que les deux formations politiques ont finalement gagné
, dit-il.
Pas d’intérêt du côté des chefs

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, lors de la soirée électorale, le 21 octobre 2019. Le parti est passé de 39 à 24 sièges l’an dernier.
Photo : Radio-Canada / Ben Nelms
À Ottawa, le chef du NPD, Jagmeet Singh, ne pense pas qu’une alliance offre une solution avantageuse aux électeurs progressistes. Elle limiterait le choix des gens
, qui auraient moins d’options de partis dans leur circonscription.
Le député néo-démocrate de Timmins-Baie James, Charlie Angus, se montre encore plus critique. Il décrit l’alliance comme une proposition carrément ridicule
. Il faudra me montrer en quoi les verts pourraient nous aider à remporter des sièges dans le nord de l’Ontario
, affirme-t-il.
Le principal problème, selon lui, repose dans les différences fondamentales qui existent entre les deux partis
. Le NPD est une formation politique qui a mis la défense des droits des travailleurs au cœur de son action, alors que, d’après lui, les verts ont parfois adopté des mesures anti-travailleurs.
Je suis un néo-démocrate, je n’ai aucun intérêt à devenir vert.
D’ailleurs, selon le leader parlementaire du NPD en chambre, Peter Julian, le Parti vert reçoit beaucoup d’appuis d’électeurs issus des milieux conservateurs, mais qui sont préoccupés par l’environnement. Je rencontre souvent des gens, en faisant du porte-à-porte en Colombie-Britannique, pour qui le premier choix c’est le Parti vert et le deuxième choix c’est le Parti conservateur. Alors ça ne se transfère pas comme ça
, dit-il.
Annamie Paul n’était pas la candidate la plus à gauche parmi tous ceux qui se présentaient à la chefferie du Parti vert.
Photo : Radio-Canada / Benoit Roussel
La cheffe du Parti vert montre aussi peu d’enthousiasme envers une alliance. Mais ultimement, dit-elle, ce sera la décision des membres
. En vertu de leur constitution actuelle, les verts ont l’obligation de présenter un candidat dans les 338 circonscriptions du pays.
Annamie Paul va d’ailleurs tenter de se faire élire dans Toronto-Centre, un château fort libéral laissé vacant par l’ancien ministre des Finances Bill Morneau. Elle aurait souhaité que le NPD ne présente aucun candidat dans la circonscription, ce que le parti a refusé de faire.

Sur l’île de Vancouver, les néo-démocrates et les verts se battent souvent pour les mêmes circonscriptions.
Photo : Getty Images / Mark Goodnow
Le problème, il est surtout en Colombie-Britannique
, confie une source crédible au NPD, qui préfère garder l’anonymat. Souvent, les verts ont ciblé des sièges néo-démocrates pour faire des gains. Il y a beaucoup de gens qui se détestent dans les deux partis.
Cette source pense qu’une alliance mériterait toutefois d’être étudiée sérieusement. Quoi qu’on dise, il y a plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent
, dit-elle.
C’est aussi ce que pense le militant Simon-Pierre Beaudet, qui veut que le NPD regarde la réalité en face.
La vague orange, c’est terminé au Québec.
Au-delà des partis, il y a des enjeux urgents
, poursuit-il. La crise climatique en est un bon exemple. D’après lui, elle n’est pas prise au sérieux par le gouvernement libéral en place.
On ne peut pas, dit-il, simplement attendre la venue d’une autre vague orange ou d’une vague verte
pour s’attaquer à ces enjeux. Il faut agir tout de suite, croit-il, et sans une alliance, ce sera beaucoup plus difficile.