Le ministre du Patrimoine canadien Steven Guilbeault affirme qu’il ne veut pas partir « en guerre contre Facebook », mais qu’il compte toujours dicter aux géants du web des obligations de produire du contenu canadien, les forcer à soutenir les médias et leur imposer la perception de la taxe de vente.

Les prochains mois seront donc cruciaux pour le ministre, alors que des pans de l’industrie peinent toujours à se remettre des impacts de la COVID. Radio-Canada s’est entretenue avec lui pour faire le point sur nombreux dossiers.

Question : Des artistes, des organisations culturelles peinent toujours à reprendre leur souffle à cause de la pandémie et c’est difficile de prévoir à quel moment ils pourront recommencer à travailler normalement. Qu’allez-vous faire si leur période sans travail se poursuit?

Réponse : Depuis le début de la crise, nous avons dit que nous ne laisserons pas tomber les artistes et les artisans. Nous avons au besoin adapté et prolongé des mesures pour nous assurer que le secteur et ses artisans soient soutenus à travers cette crise. Alors, s’il faut mettre de l’avant de nouvelles mesures, nous allons le faire. J’aurai des annonces à faire très bientôt pour le secteur audiovisuel, notamment.

Q : Craignez-vous de perdre des joueurs dans le milieu?

R : Nous allons continuer à travailler pour que le plus grand nombre possible d’organisations culturelles et artistiques puissent passer à travers cette crise. On va les épauler jusqu’à ce qu’elles puissent retomber sur leurs pieds.

Est-ce que tout le monde va passer à travers? J’aimerais vous dire que oui. Ce ne sera probablement pas le cas.

Une main tient une télécommande pointée vers un téléviseur affichant le logo de Netflix.

Les entreprises de diffusion en continu comme Netflix ne perçoivent pas la TPS au Canada.

Photo : Associated Press / Paul Sakuma

Q : On a beaucoup parlé de l’imposition de la taxe de vente aux plateformes comme Netflix. Allez-vous le faire?

R : Le premier ministre [Justin Trudeau] avait été très clair à la fin de 2019 en disant qu’il s’attendait à ce que ce soit dans le prochain budget. II y aura un budget dans un avenir proche. Je ne connais pas la date. J’ai toutes les raisons de croire que dans ce prochain budget on va demander à l’ensemble de ces grandes compagnies technologiques de payer la TPS comme tout le monde.

Q : Vous avez promis de déposer un projet de loi pour forcer les géants du web comme Netflix et Spotify à produire du contenu canadien au printemps. La pandémie a changé les plans. Le ferez-vous cet automne ou attendrez-vous après l’élection américaine du 3 novembre?

R : Il nous reste quelques éléments à peaufiner. On travaille pour être en mesure de déposer le projet de loi le plus rapidement possible lorsque la Chambre reprendra. Évidemment, je ne suis pas le seul ministre [responsable] du projet de loi.

J’ai eu des conversations avec plusieurs représentants de ces grandes compagnies et il n’y a pas de surprise pour eux dans notre projet. Je ne m’attends pas à ce qu’ils célèbrent le fait que le gouvernement canadien arrive avec une nouvelle réglementation, mais je ne m’attends pas non plus à ce qu’il y ait une levée de boucliers et des menaces.

Est-ce qu’on va s’empêcher de le faire à cause de la possible réaction de la Maison-Blanche? La réponse est non. Est-ce que c’est un des critères d’évaluation? Bien sûr que oui.

Q : Est-ce que ça va coûter plus cher?

R : C’est plusieurs centaines de millions de dollars additionnels qui vont être à la disposition des créateurs québécois et canadiens. Dans les faits, ces entreprises investissent déjà au Canada. Nous, ce qu’on vient faire, c’est baliser tout ça pour nous assurer qu’il y ait une partie qui soit, par exemple, pour la production francophone, pour les productions autochtones, pour les communautés minoritaires… Donc, non, ça ne va pas coûter plus cher.

La marque Facebook affichée sur des écrans.

Facebook et Google engrangent des recettes publicitaires gigantesques, alors que les médias traditionnels peinent à survivre en raison de la perte de revenus.

Photo : Getty Images / Justin Tallis

Q : L’une de vos propositions pour aider les médias au Canada est de demander aux réseaux sociaux comme Facebook de faire leur part. À quel point ce qui se passe en Australie, où Facebook a annoncé qu’elle ne partagera plus de contenu de nouvelles, vous inquiète?

R : Ça ne m’inquiète pas outre mesure. Au contraire, de voir comment Facebook a agi avec l’Australie n’a fait que renforcer notre conviction qu’il fallait faire cela. Ce n’est pas équitable qu’une grande entreprise comme Facebook, qui fait des profits records, qui est une des plus grandes entreprises au monde, ne compense pas adéquatement Le Devoir ou La Presse pour l’utilisation du contenu qu’ils font sur leurs plateformes. C’est grâce à ce contenu, notamment, que ces entreprises font des profits record.

Je ne pars pas en guerre contre Facebook ou Google, mais je veux simplement que les médias soient traités équitablement.

Mon travail, c’est de voir quelle serait la meilleure façon de le faire au Canada, compte tenu de nos lois et règlements et de nos institutions. On regarde de très près ce que la France et l’Australie sont en train de faire. Ce sont des modèles qui se ressemblent, mais qui ne sont pas tout à fait les mêmes. Je travaille très fort pour être en mesure de déposer ce projet de loi très rapidement.

Q : Rapidement, qu’est-ce que ça veut dire? Plus d’un an?

R : Beaucoup plus rapidement que ça.

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