Dirigé depuis 21 mois par son premier gouvernement minoritaire en un siècle, le Nouveau-Brunswick retourne en élections générales. C’est le 14 septembre que les Néo-Brunswickois seront appelés aux urnes pour élire les 49 membres de la 60e législature de l’histoire de la province.

Le premier ministre sortant, le progressiste-conservateur Blaine Higgs, a annoncé lundi le déclenchement d’élections générales à la sortie d’une réunion avec la lieutenante-gouverneure, Brenda Murphy.

Blaine Higgs dirigeait un gouvernement minoritaire. Le Parti progressiste-conservateur et le Parti libéral comptaient 20 députés chacun à l’Assemblée législative. Mais des élections partielles qui étaient prévues pour cet automne risquaient de changer l’équilibre du pouvoir.

Blaine Higgs a soumis aux partis d’opposition une offre destinée à éviter le déclenchement d’élections générales avant l’automne 2022 ou au moins avant la fin de la pandémie. Les discussions ont réuni des représentants des quatre partis politiques à l’Assemblée législative pendant près de trois jours entiers, la semaine dernière. Les libéraux ont fini par rejeter la proposition en expliquant qu’elle aurait donné trop de pouvoirs au gouvernement minoritaire.

Voici une liste de quelques moments marquants du gouvernement sortant.

Une passation des pouvoirs inusitée

Traditionnellement, les gouvernements minoritaires au Canada ont une durée de vie plutôt courte. Or, le Parti progressiste-conservateur de Blaine Higgs a été en mesure de gouverner pendant 21 mois. Cette stabilité peut faire oublier combien son arrivée au pouvoir avait été inusitée.

Le 24 septembre 2018, les citoyens du Nouveau-Brunswick votent. Plusieurs heures après la fermeture des bureaux de scrutin, ils vont au lit sans savoir qui est véritablement leur premier ministre.

Le Parti libéral du premier ministre Brian Gallant récolte un peu moins de 38 % des suffrages, et le Parti progressiste-conservateur dirigé par Blaine Higgs, près de 32 %. Néanmoins, les troupes de M. Higgs font élire 22 députés, contre 21 pour les libéraux.

L’Alliance des gens et le Parti vert accaparent une part substantielle du vote et font élire trois candidats chacun. Sur 49 députés élus, 11 sont des femmes. À la dissolution de la Chambre, c’est le plus faible pourcentage de toutes les législatures provinciales actuelles au Canada.

Brian Gallant s'adresse à des journalistes.

Brian Gallant a été premier ministre du Nouveau-Brunswick de 2014 à 2018.

Photo : La Presse canadienne / James West

Blaine Higgs se déclare premier ministre le soir même de l’élection, mais Brian Gallant refuse de lui concéder la victoire. Le lendemain, la lieutenante-gouverneure accorde au chef libéral le droit d’essayer de diriger le premier gouvernement minoritaire depuis 1920 au Nouveau-Brunswick. Mais le 2 novembre, les progressistes-conservateurs et les députés de l’Alliance des gens défont son gouvernement, une première dans l’histoire politique de la province.

Blaine Higgs et son Cabinet sont assermentés le 9 novembre 2018. Le 34e premier ministre de l’histoire de la province nomme son seul député acadien, Robert Gauvin, au poste de vice-premier ministre.

Bras de fer avec les travailleurs des foyers de soins

En 2019, le gouvernement Higgs entend modifier la Loi sur les services essentiels dans les foyers de soins. Un détail ne fait pas l’unanimité : la clause de « capacité à payer » du gouvernement, qui devra être prise en compte si un conflit de travail avec des employés est soumis à l’arbitrage exécutoire.

Selon ses opposants, cette clause de capacité à payer est une notion floue qui laisserait peu de chances aux salariés des foyers de soins d’obtenir des augmentations substantielles.

Les syndiqués des foyers de soins de la province manifestent aux quatre coins du Nouveau-Brunswick pendant des semaines. Plus de 4000 syndiqués se donnent un mandat de grève, mais une ordonnance du tribunal obtenue par le gouvernement rendrait illégal un débrayage.

Des manifestants brandissent des pancartes et soufflent dans des cornets.

Les travailleurs des foyers de soins ont manifesté à Fredericton en 2019 pour réclamer principalement de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.

Photo : Radio-Canada / Michel Corriveau

Un bras de fer s’amorce devant les tribunaux, mais tout est laissé en suspens par la pandémie de COVID-19 au début 2020. Ce n’est qu’en juillet 2020 qu’un accord est signé : la nouvelle convention collective prévoit des augmentations salariales de 9,75 % sur 6 ans.

De ce litige à la COVID-19, en passant par les multiples témoignages sur le manque criant de personnel dans ces établissements, les foyers de soins ont fait la manchette pendant la majeure partie du mandat de Blaine Higgs.

La fermeture des urgences provoque une tempête

Le 9 février 2020, on apprend que les urgences de six hôpitaux du Nouveau-Brunswick fermeront la nuit à compter du 11 mars. Il s’agit des hôpitaux de Caraquet, de Grand-Sault, de Perth-Andover, de Sackville, de Sainte-Anne-de-Kent et de Sussex.

Le choc de cette nouvelle provoque une levée de boucliers et une tempête politique pour le gouvernement Higgs. Des manifestations se déroulent dans plusieurs régions touchées par ces fermetures.

Opposé à cette réforme du système public de santé, le vice-premier ministre Robert Gauvin quitte avec fracas le parti au pouvoir et devient député indépendant. Cela fragilise le gouvernement Higgs, juge-t-on à l’époque.

Robert Gauvin debout fait un signe de victoire.

Robert Gauvin a annoncé en février sa décision de quitter le caucus conservateur et de devenir un député indépendant.

Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach

Un autre député progressiste-conservateur, Bruce Northrup, s’inscrit aussi en faux contre les plans de son parti.

Le 16 février, après une semaine mouvementée, le gouvernement annule la fermeture des urgences. Je reconnais que les gens qui habitent dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick sont confrontés à des difficultés uniques, explique le premier ministre Blaine Higgs.

Selon le gouvernement, la majorité des visites de nuit aux six hôpitaux concernés n’étaient pas de nature urgente. Selon des documents obtenus par l’opposition, près de 200 patients ont été réanimés dans ces six salles d’urgence entre 2014 et 2020.

Une relation houleuse avec la francophonie

Vainqueur de la course à la direction du Parti progressiste-conservateur en 2016, Blaine Higgs promet qu’il apprendra la langue de Molière et s’inscrit à des cours de français intensifs à Québec.

Alors que M. Higgs a toujours de la difficulté à s’exprimer facilement dans l’une des deux langues officielles de la province en 2020, plusieurs intervenants doutent de sa bonne volonté.

Certains événements qui se produisent entre-temps amplifient ce scepticisme.

Tout d’abord, pour réussir à gouverner, le premier ministre minoritaire doit obtenir l’appui de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, un parti hostile au bilinguisme officiel sous sa forme actuelle. Plusieurs groupes francophones s’opposent à la formation d’une telle coalition.

Blaine Higgs donne une conférence de presse.

Le premier ministre Blaine Higgs a souligné en 2019 que son gouvernement avait déjà réduit les dépenses publiques de la province de 200 millions de dollars, et qu’il ne pouvait investir davantage dans l’organisation des Jeux de la Francophonie.

Photo : Radio-Canada

Au début de l’année 2019, le gouvernement Higgs annonce son retrait de l’organisation des Jeux de la Francophonie de 2021 Moncton-Dieppe en raison des coûts, jugés trop élevés. Les réactions politiques ne tardent pas : le gouvernement est accusé de mauvaise foi dans ce dossier.

Quelques mois plus tard, quand le commissaire aux langues officielles dépose son rapport à la province, le premier ministre rétorque qu’il rejette plusieurs des recommandations proposées.

Finalement, les difficultés langagières du premier ministre s’immiscent dans la gestion de la pandémie, où les interventions auprès du public sont presque quotidiennes.

Quand le premier ministre prend la parole aux côtés de la médecin hygiéniste en chef, qui est bilingue, c’est un interprète qui double sa voix en français. Cette façon de faire est décriée par des organismes acadiens, qui estiment que l’interprétation simultanée viole la Loi sur les langues officielles.

Pandémie, frontières et conséquences économiques

C’est d’ailleurs le 11 mars 2020 que le Nouveau-Brunswick annonce la découverte de son premier cas de COVID-19, la maladie pulmonaire causée par le nouveau coronavirus SRAS-CoV-2. Le premier décès survient le 4 juin à Atholville.

Comme ses homologues partout sur la planète, le premier ministre et son gouvernement doivent réagir rapidement à une menace peu commune : fermeture des écoles, des garderies et des lieux publics jugés non essentiels.

L’état d’urgence est déclaré le 19 mars. Cinq mois plus tard, il est toujours en vigueur.

Un agent portant une veste jaune remet un document à quelqu'un dans sa voiture.

Un point de contrôle de la frontière à Amherst, en Nouvelle-Écosse, à l’entrée du Nouveau-Brunswick, le 5 avril 2020.

Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan

Au cours des premières semaines de pandémie, le Nouveau-Brunswick est l’une des provinces qui effectuent le moins de tests de dépistage de la COVID-19 par habitant.

La réponse du gouvernement Higgs s’articule notamment autour de la fermeture des frontières provinciales : des postes de contrôle sont installés le 25 mars aux points de passage en provenance du Québec et des autres provinces maritimes le 25 mars.

En mai, Blaine Higgs traite d’irresponsable un médecin qu’il accuse d’avoir propagé le coronavirus au Nouveau-Brunswick en revenant du Québec. L’avocat de ce médecin accuse Blaine Higgs de nourrir une frénésie publique pour enflammer ses partisans.

L’économie provinciale, sans surprise, est durement touchée par la pandémie et marquée par des pertes massives d’emplois. En juillet, à quelques semaines du déclenchement des élections, on remarque toutefois que le Nouveau-Brunswick connaît la plus forte reprise de l’emploi au pays, selon les données de Statistique Canada. Des inégalités importantes sont toutefois observées selon les secteurs d’activité.

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