Qui aurait le pouvoir de la relever de ses fonctions? Quel est le processus pour un départ – volontaire ou non – d’un gouverneur général? Existe-t-il des précédents? Et quel serait le rôle du Palais de Buckingham ou de la reine? Voici 7 questions pour comprendre la situation.

Quel est le rôle d’un gouverneur général?

Le gouverneur général (GG) est le représentant de la reine Élisabeth II au Canada. À ce titre, il possède de nombreux pouvoirs inscrits dans la Constitution, dont celui de nommer ou de destituer un gouvernement.

Dans les faits, il a très rarement l’occasion de les exercer et s’en tient surtout à un rôle protocolaire. Il est nommé pour un mandat de cinq ans, qui peut s’étendre à sept ans.

L’ancienne astronaute a été nommée par Justin Trudeau en 2017, pour un mandat de cinq ans.

Mais les partis d’opposition ont récemment demandé au premier ministre d’intervenir après que des employés eurent accusé Mme Payette et sa secrétaire personnelle de harceler verbalement le personnel de Rideau Hall et d’y faire régner un climat d’intimidation.

Comment peut-on relever un gouverneur général de ses fonctions?

Généralement, un gouverneur général est remplacé seulement s’il démissionne, s’il est incapable d’occuper ses fonctions pour des raisons de santé ou s’il meurt. La reine a également l’autorité de relever un gouverneur général de ses fonctions sur l’avis du premier ministre canadien.

Les experts estiment que la meilleure solution dans des situations de controverses serait que le premier ministre suggère discrètement au gouverneur général de démissionner.

Portrait des deux personnalités lors d'un discours.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et l’ex-astronaute Julie Payette, le jeudi 13 juillet 2017.

Photo : La Presse canadienne / Fred Chartrand

Selon Philippe Lagassé, professeur à l’Université Carleton et expert dans le système de Westminster, congédier un gouverneur général est l’option nucléaire.

Je ne pense pas que nous nous rendrons à ce point. Je crois que tout le monde est d’accord. Il est probablement beaucoup plus difficile de la retirer que d’essayer de gérer [la crise actuelle] pour les trois prochaines années.

Il rappelle que Julie Payette n’a pas été accusée d’actes criminels et n’a pas violé la Constitution canadienne.

Il s’agit juste d’un mauvais choix. Un mauvais choix n’est pas une raison pour demander à la reine d’intervenir.

Le Palais de Buckingham pourrait-il intervenir dans cette controverse?

Julie Payette et Élisabeth II

Julie Payette a rencontré la reine Élisabeth II en 2017. Un gouverneur général est nommé par la reine sur recommandation du premier ministre canadien.

Photo : Getty Images / Andrew Milligan

C’est très peu probable, disent les experts.

Je ne pense pas que le Palais de Buckingham ou la reine interviennent dans cette controverse, dit Michael Jackson de l’Institut d’études sur la Couronne au Canada du Collège Massey.

Les controverses entourant Julie Payette et son avenir comme gouverneure générale sont un débat canadien, dit M. Lagassé.

Le Palais serait préoccupé seulement si l’image de la reine pouvait être entachée. Et ce n’est pas le cas.

Pour l’instant, le Palais juge que c’est aux Canadiens de trouver une solution, ajoute-t-il.

Barbara Messamore, professeure d’histoire à l’Université Fraser Valley, ajoute qu’une intervention de la monarchie dans des affaires canadiennes serait très mal perçue.

Un gouverneur général a-t-il déjà démissionné ou été relevé de ses fonctions après avoir fait l’objet de controverses?

Oui, des gouverneurs généraux ont par le passé démissionné sous la pression et à la demande d’un premier ministre.

Par exemple, en 2003, le gouverneur général australien Peter Hollingworth a démissionné après qu’une controverse a éclaté sur la façon dont il avait traité les plaintes pour abus sexuels alors qu’il était archevêque de Brisbane.

Selon M. Jackson, il n’y aurait eu que trois gouverneurs généraux qui ont refusé de démissionner et qui ont été relevés de leurs fonctions par la reine, sur l’avis du premier ministre.

Ce fut le cas à Sainte-Lucie en 1982 et à Saint-Kitts-et-Nevis en 1981 et en 2015.

Les autres gouverneurs généraux ont été persuadés de démissionner, précise M. Jackson.

La reine pourrait-elle refuser l’avis du premier ministre de retirer un gouverneur général?

La reine suit presque toujours l’avis du premier ministre.

Cependant, selon M. Jackson, la reine peut être un acteur neutre dans le cas d’une crise constitutionnelle. Puisque la gouverneure générale a le pouvoir de retirer le premier ministre, la reine pourrait refuser une demande de ce dernier de retirer un gouverneur général si elle juge que le premier ministre fait cette demande pour sauver sa propre carrière politique.

Lors de la crise constitutionnelle de 1975 en Australie, le gouverneur général de l’époque, Sir John Kerr, a destitué le premier ministre Gough Whitlam. Selon M. Jackson, des rumeurs circulaient voulant que M. Whitlam ait tenté de relever le gouverneur de ses fonctions pour éviter d’être lui-même destitué.

Un gouverneur général doit-il absolument terminer son mandat de cinq ans?

La durée du mandat du gouverneur général de cinq ans n’est pas inscrite dans la Constitution. Ce n’est qu’une coutume, ce n’est pas une convention, dit M. Jackson. Il ajoute que plusieurs gouverneurs généraux britanniques ont effectué des mandats de six ans.

Les anciens gouverneurs généraux Vincent Massey, Roland Michener et David Johnston ont effectué un mandat de sept ans, tandis que Jeanne Sauvé et Adrienne Clarkson ont été en poste pendant six ans. Roméo LeBlanc a démissionné après quatre ans pour des raisons de santé.

L'ex-gouverneur général du Canada David Johnston.

David Johnston a été le 28e gouverneur général du Canada et a occupé cette fonction du 1er octobre 2010 au 2 octobre 2017. Il avait accepté de prolonger son mandat de 2 ans afin de ne pas créer un vide institutionnel lors des élections fédérales canadiennes en 2015.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

À quelle vitesse le gouvernement doit-il trouver un remplaçant?

Après la démission ou la destitution d’un gouverneur général, le gouvernement n’a pas l’obligation d’en nommer un nouveau immédiatement, explique M. Jackson. Le juge en chef du Canada (présentement Richard Wagner) peut agir en tant qu’administrateur.

Ce fut notamment le cas pendant un peu plus d’un mois en 1952, lorsque Lord Alexander a quitté le Canada pour l’Angleterre avant même l’assermentation de Vincent Massey.

Jackson. Il est préférable de faire une pause d’abord pour trouver un remplaçant adéquat et pour permettre au Bureau du gouverneur général de se préparer pour quelqu’un de nouveau.”,”text”:”Si Mme Payette part, il y a la crainte que le cabinet du premier ministre annonce immédiatement un remplacement sans processus de comité de sélection, dit M.Jackson. Il est préférable de faire une pause d’abord pour trouver un remplaçant adéquat et pour permettre au Bureau du gouverneur général de se préparer pour quelqu’un de nouveau.”}}” lang=”fr”>Si Mme Payette part, il y a la crainte que le cabinet du premier ministre annonce immédiatement un remplacement sans processus de comité de sélection, dit M. Jackson. Il est préférable de faire une pause d’abord pour trouver un remplaçant adéquat et pour permettre au Bureau du gouverneur général de se préparer pour quelqu’un de nouveau.

D’après un texte de Mark Gollum de CBC

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