L’attribution sans appel d’offres d’un contrat lucratif à une association caritative proche du premier ministre et du ministre des Finances continue de mettre le gouvernement Trudeau dans l’embarras.
Lors d’une conférence de presse jeudi après-midi, la vice-première ministre et ministre des Affaires intergouvernementales, Chrystia Freeland, a senti le besoin de présenter des excuses en son nom pour la manière dont le Cabinet s’est comporté dans le dossier de l’organisme UNIS (« WE Charity », en anglais). Elle s’est dite désolée
.
Je suis absolument consciente qu’en tant que ministre de notre Cabinet – en tant que vice-première ministre de notre pays –, je dois prendre [ma part de] responsabilité
, a-t-elle déclaré.
Je regrette absolument. Et je veux m’excuser [devant] tous les Canadiens pour ce qu’on a fait.
Mme Freeland a par ailleurs réitéré sa confiance absolue
envers le premier ministre Trudeau qui, à ses côtés, a répété les excuses qu’il avait présentées plus tôt cette semaine.
Comme j’ai dit lundi, je regrette profondément cette situation, a-t-il déclaré. J’aurais dû me retirer des discussions concernant l’organisme UNIS. Je ne l’ai pas fait. Et à cause de ça, on a plus de défis à pouvoir livrer des opportunités pour des jeunes, ce qui a été une priorité pour moi pendant toute ma carrière et bien avant mon implication en politique.
Convié par l’opposition conservatrice et bloquiste à témoigner devant le comité permanent des finances, le premier ministre affirme que sa réflexion n’est pas encore arrêtée. On est en train de regarder attentivement cette invitation
, a-t-il indiqué.
Chagger témoigne
Le comité permanent des finances n’a toutefois pas attendu la réponse de Justin Trudeau pour amorcer ses travaux, jeudi.
Comme prévu, la ministre de la Jeunesse, Bardish Chagger, a répondu aux questions des députés, expliquant les tenants et les aboutissants du contrat accordé à UNIS pour distribuer les 912 millions de dollars de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant.
Elle a notamment révélé que l’organisme aurait pu recevoir jusqu’à 43,5 millions de dollars pour administrer le programme s’il avait pu remettre jusqu’à 40 000 bourses d’études, soit le double des 20 000 bourses initialement prévues.
La ministre a également déclaré qu’elle n’avait pas eu personnellement de conversations avec des membres du Cabinet avant que l’entente ne soit approuvée par les ministres.
Selon elle, c’est un haut fonctionnaire du ministère de l’Emploi et du Développement social qui a soutenu, par écrit, qu’UNIS était la seule organisation du pays capable de distribuer adéquatement les bourses d’études.
Morneau visé par une enquête
Mais le comité permanent des finances n’est pas le seul à vouloir faire la lumière sur cette affaire.
Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, qui a déjà fait savoir qu’il se pencherait sur le cas de M. Trudeau, a annoncé jeudi qu’il enquêtera aussi sur le rôle du ministre des Finances, Bill Morneau, dans l’attribution du contrat controversé à l’organisme UNIS.
Dans une lettre envoyée aux députés conservateurs Pierre Poilievre, Michael Barrett et Michael Cooper, qui lui réclamaient cette enquête, le commissaire Mario Dion explique qu’à la lumière des faits qui lui ont été exposés, il y a matière à enquête.
Selon les conservateurs, le fait que Bill Morneau ne se soit pas retiré de l’examen par son gouvernement du contrat accordé à UNIS, malgré la collaboration étroite de ses deux filles, Grace Acan et Clare, avec l’organisme, soulève des doutes sur l’existence d’un conflit d’intérêts.
Grace Acan travaille au service de voyages d’UNIS depuis 2019, alors que sa sœur Clare collabore avec l’organisme depuis la publication de son livre Kakuma Girls.
Un contrat controversé
La Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant offrira une aide financière aux étudiants du pays qui n’ont pas réussi à trouver du travail cet été. Ceux-ci devront effectuer 500 heures de bénévolat, en échange de quoi une bourse pouvant atteindre 5000 $ leur sera versée pour les aider à payer leurs frais de scolarité.
C’est UNIS qui devait gérer le programme. Mais devant la controverse, le fédéral a annoncé il y a deux semaines la fin de ce contrat et a précisé que la décision avait été prise d’un commun accord avec l’organisme.
Depuis, le gouvernement assure lui-même la gestion du programme, mais les fonctionnaires qui ont pris le relais ont du mal à contrôler les détails du programme, alors que l’été avance.
Et l’opposition, elle, refuse de lâcher le morceau.
Le Parti conservateur du Canada réclame que la vérificatrice générale Karen Hogan et la GRC se penchent sur cette affaire, alors que le Bloc québécois affirme que le premier ministre devrait se retirer temporairement de ses fonctions – le temps que la lumière soit faite
– et céder sa place à Chrystia Freeland.
Depuis le début de la controverse, Justin Trudeau soutient et répète que c’est la fonction publique – et non le Bureau du Conseil privé – qui a pris la décision de confier le contrat de gestion de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant à l’organisme UNIS.