La direction générale du Centre de services scolaire de Montréal a écrit au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur afin « de dénoncer l’impact de la réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) », dans une correspondance datée du 18 juin, obtenue par Radio-Canada.
Cette lettre, signée par Robert Gendron, qui dirige cette nouvelle entité scolaire, a été envoyée à Éric Blackburn, sous-ministre de Jean-François Roberge, pour que ce dernier intervienne directement auprès du premier ministre
François Legault.
Il affirme s’exprimer au nom des trois ex-commissions scolaires francophones et des deux commissions anglophones de la métropole, qui se disent inquiètes et préoccupées par cette nouvelle mouture du PEQ présentée fin mai par le ministre Simon Jolin-Barrette, qui sera désormais pilotée par Nadine Girault, la nouvelle ministre de l’Immigration.
Nous croyons fermement que les préoccupations du milieu éducatif doivent être soulevées en haut lieu afin d’éviter les conséquences désastreuses pour un système scolaire déjà durement éprouvé par la pandémie de la COVID-19.
Si cette réforme se concrétise, un étudiant ayant un diplôme d’études professionnelles (DEP) de 1800 heures devra cumuler 24 mois d’expérience de travail pour postuler au PEQ, considéré jusqu’à présent comme une voie rapide pour obtenir une résidence permanente. Une année d’expérience sera demandée aux diplômés d’universités.
Ces critères n’existaient pas dans le programme, créé en 2010 et de plus en plus populaire.
Le milieu éducatif de l’île de Montréal évoque une iniquité envers les diplômés de la formation professionnelle
. On y souligne également de longs délais qui auront un impact important sur nos élèves internationaux et leurs familles
.
En s’adressant au ministère de l’Éducation, ces organisations rappellent les conséquences de cette pandémie pour ces étudiants internationaux, qui ont déjà été complètement déroutés
et qui n’ont pu terminer leurs études ce printemps
, ce qui les prive de la possibilité de postuler dès à présent au PEQ, selon les anciennes règles.
Les exclure du PEQ ne fait qu’amplifier pour nos étudiants internationaux les conséquences de cette pandémie
, écrit-on, en réclamant notamment, tout comme l’ont récemment fait les universités, une clause de droits acquis pour ceux qui sont toujours scolarisés.
Un tel changement rendrait beaucoup plus acceptable la nouvelle mouture du PEQ, même si nous aurions aimé que des formations de plus courte durée soient également admissibles
, ajoute-t-on.
Par ailleurs, si ces élèves décidaient de ne pas s’inscrire dans une formation québécoise, l’ensemble du milieu pourrait être touché, estiment ces organisations. Grâce au paiement des frais de scolarité, ces élèves participent à l’essor de notre système scolaire […] C’est donc tout le système scolaire qui en bénéficie
, plaident-elles.
En ces temps de pénurie de main-d’oeuvre, nous croyons que nos élèves internationaux apportent une solution concrète et immédiate à la situation du Québec, en plus de constituer une source de financement non négligeable du système scolaire québécois.
Plusieurs manifestations ont été organisées ces dernières semaines, que ce soit à Montréal ou devant l’Assemblée nationale à Québec. Des députés des oppositions, le libéral Monsef Derraji et le solidaire Andrès Fontecilla, étaient régulièrement présents.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
Des ajustements souhaités par différents milieux
Ces dernières semaines, de nombreux acteurs ont fait entendre leur voix pour demander des ajustements à cette réforme du PEQ, qui touche aussi les travailleurs étrangers temporaires.
Outre des partis d’opposition, le milieu éducatif et de nombreuses associations étudiantes, des représentants du monde des affaires ont eux aussi interpellé le gouvernement.
L’entreprise Olymel, qui embauche de nombreux immigrants, a par exemple fait part de ses préoccupations sérieuses
dans une lettre adressée au ministère de l’Immigration le 9 juin, en évoquant notamment des enjeux d’attractivité.
Une réduction des délais de traitement, qui passeraient de 20 jours ouvrables à 6 mois dans la nouvelle mouture, ou encore une accessibilité de ce programme d’immigration à l’ensemble des professions sont également souhaitées par plusieurs groupes.
Les Cégeps également préoccupés
La Fédération des Cégeps a envoyé mardi matin une lettre à la nouvelle ministre de l’Immigration, Nadine Girault. Dans celle-ci, l’organisation scolaire indique être préoccupée par les délais découlant de l’exigence de travail, par l’exclusion des attestations d’études collégiales, par l’absence d’une clause transitoire ainsi que par le maintien de l’attractivité du Québec comme destination pour ceux et celles qui choisissent de s’y investir
.
Dans son état actuel, le projet de règlement risque de freiner la vitalisation de différentes communautés du Québec notamment les régions en perte démographique que sont le Saguenay–Lac-St-Jean, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, la Mauricie et le Centre-du-Québec
, écrit Bernard Tremblay, président de la Fédération des Cégeps.
Un ton différent
, dit François Legault
Ces différentes demandes vont à présent être étudiées dans les prochains jours par Nadine Girault. Puisque cette réforme a fait l’objet, à la fin mai, d’une prépublication dans la Gazette officielle, le gouvernement dispose de 30 jours pour analyser d’éventuelles remarques.
Deux options s’offrent notamment à la nouvelle ministre de l’Immigration : elle peut entériner ces changements proposés par Simon Jolin-Barrette au Conseil des ministres ou décider d’entamer une réflexion sur ce dossier, voire modifier le texte, avant de le soumettre à ses collègues.
Au cours de son intronisation, lundi, l’intéressée ne s’est pas avancée sur ses intentions en matière d’immigration.
Il y a des belles choses qui ont été faites, puis moi, je vais poursuivre dans la lancée.
Mme Girault avait néanmoins appuyé la réforme du PEQ en cosignant le communiqué de presse détaillant cette mesure. Elle évoquait alors une attraction des meilleurs talents
qui était maintenue.
De son côté, le premier ministre, François Legault, a indiqué être certain
que Nadine [Girault] aura un ton différent de Simon [Jolin-Barrette]
, tout en maintenant son objectif de mieux intégrer les immigrants aux besoins du marché du travail
.