Le gouvernement de François Legault envisage de recourir au bâillon vendredi pour faire adopter son projet de loi sur la gouvernance scolaire s’il ne parvient pas à une entente avec l’opposition.
Le texte de loi qui a été déposé à l’Assemblée nationale par le ministre Jean-François Roberge, en octobre 2019, prévoit une série de changements dans la Loi sur l’instruction publique et la gouvernance scolaire, notamment la transformation des commissions scolaires en centres de services, l’abolition des élections scolaires dans les districts francophones et un pouvoir plus important accordé aux comités de parents dans la direction des futurs centres de services.
Les élections seraient cependant maintenues dans les commissions scolaires anglophones, où le taux de participation est plus élevé que dans les commissions scolaires francophones, au sein desquelles moins de 5 % des gens se prévalent de ce droit.
Le gouvernement et l’opposition ont passé déjà plus d’une centaine d’heures à étudier le projet de loi 40, qui ne comporte pas moins de 300 articles et qui modifiera 80 lois existantes.
Accusant les partis d’opposition de multiplier les mesures dilatoires en commission parlementaire pour retarder l’adoption de la loi, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, avait affirmé vendredi dernier qu’il n’hésiterait pas à recourir au bâillon pour remplir cet engagement envers les Québécois.
Interrogé par les journalistes, le ministre Simon Jolin-Barrette, qui est responsable des travaux de la commission parlementaire, n’a pas confirmé ni infirmé le recours à un bâillon pour accélérer l’adoption du projet de loi.
Il y a beaucoup d’heures qui ont été faites, ça fait longtemps que les députés sont là
, a-t-il cependant reconnu, en ajoutant qu’après plusieurs dizaines d’heures en commission parlementaire, il aurait été possible de l’adopter de façon régulière
.
De son côté, l’opposition se défend de faire de l’obstruction en commission parlementaire en soulignant que le gouvernement a lui-même apporté 82 amendements à son projet de loi au cours de l’étude du texte. Ce qui complique encore l’étude de projet de loi, selon elle.
Péquistes et libéraux déplorent également l’empressement avec lequel le gouvernement veut faire adopter ce projet de loi complexe qui aura, selon eux, un impact considérable sur l’organisation scolaire au Québec.
Cette manière de gouverner devient franchement inquiétante. Des projets de loi beaucoup moins complexes ont été étudiés beaucoup plus longtemps et ont été adoptés sans aucun bâillon.
La porte-parole libérale en éducation, la députée Marwah Rizqy, a pour sa part dénoncé le recours au bâillon par les caquistes alors que les travaux parlementaires reprennent à peine.
La session commence à peine et déjà un bâillon. Quel manque d’écoute!
, a déploré Mme Rizqy sur son compte Twitter, mercredi après-midi.
Ce serait le quatrième bâillon imposé par le gouvernement Legault en à peine plus d’un an. Jusqu’ici, le gouvernement Legault a eu recours au bâillon pour l’adoption de ses projets de loi sur la laïcité de l’État, sur l’immigration et sur les tarifs d’électricité.
Les syndicats d’enseignants s’opposent

Des membres de la CSQ ont manifesté mercredi devant les locaux du ministère de l’Éducation à Montréal pour s’opposer au projet de loi 40.
Photo : Radio-Canada
Le recours au bâillon est aussi dénoncé par les syndicats de l’enseignement, qui s’opposent à certaines dispositions de la loi, comme la formation continue obligatoire pour les enseignants que veut instaurer le gouvernement Legault.
À la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la présidente Sonia Éthier estime que le gouvernement s’en va dans le mur
.
Selon la centrale syndicale – qui a déplacé mercredi une voiture accidentée devant les bureaux du ministère de l’Éducation à Montréal pour dénoncer les dérapages dangereux de la réforme du ministre Jean-François Roberge
–, le projet de loi 40 comporte de sérieuses conséquences pour le personnel, les élèves et leurs parents
.
C’est totalement irresponsable de vouloir bousculer tout le monde, de recourir au bâillon pour imposer des changements d’une telle envergure et de refuser d’entendre les arguments des opposants.
Pour sa part, la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Josée Scalabrini, considère le projet du gouvernement d’obliger les enseignants à suivre 15 heures annuelles de formation et de perfectionnement comme une attaque frontale
contre l’expertise des enseignants et une ingérence dans leurs pratiques pédagogiques.
Le gouvernement Legault estime quant à lui que les enseignants, qui disposent déjà de 20 journées pédagogiques dans le calendrier scolaire actuel, sont en mesure de répondre à cette exigence, qui représente l’équivalent de deux journées et demie de formation par année.
Le syndicat déplore également la perte de la parité des enseignants dans les conseils d’établissement qu’entraînera la nouvelle organisation scolaire.